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Ignorés dans la société,
ils existent dans un livre
Publié le 13/12/2012
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Nelson Mandela

« Mémoire d’oubliés », c’est un livre photo à transmettre en cette période de Noël, un objet plein de sens. 94 pages dans lesquelles des personnes en exclusion du Mans, accueillies à la résidence sociale Nelson Mandela ou à la maison relais Abou Jamal, révèlent au photographe Georges Pacheco ce qu’elles ne pourront jamais oublier. Une série de témoignages sur la fragilité de nos existences. 



Le livre "Mémoire d'oubliés” est un projet de l'association Nelson Mandela, réalisé avec justesse par le photographe manceau Georges Pacheco, pour donner une visibilité à des personnes exclues (photo : A. Penna).

« Un sourire, une image, une histoire. Merci, amitiés. » Signé Francis. C’est la première fois que l’homme dédicace un livre. La scène se passe à une journée de la Fnars sur le thème de la participation des « personnes accueillies ». Justement, Francis habite dans une résidence sociale du Mans et il a participé au projet de l’association de gestion de logements accompagnés Nelson Mandela qui la gère : faire exister dans un livre des citoyens que la société ignore. Francis est venu avec d’autres « personnes accueillies » pour présenter ce livre : « Mémoire d’oubliés ».


Des "résidants" de l'association Nelson Mandela dédicacent à Nantes le livre "Mémoire d'oubliés" lors de la journée Fnars sur la participation des personnes accueillies (photo : A. Penna).

Parcours

C'est un livre beau de sincérité. Au fil de ses pages, se déroule une galerie de portraits réalisés avec justesse et humanité par le talentueux photographe manceau Georges Pacheco. Il raconte les histoires d’une trentaine de “résidants” et "résidantes“ de la résidence sociale Nelson Mandela et de la maison relais Abou Jamal. Des êtres en rupture, qui ont échoué là au bout de parcours plus ou moins chaotiques. Mais, comme l’explique Georges Pacheco dans sa préface intitulée « Éxister », « tous ces parcours, si singuliers soient-ils par leur histoire, ont en commun un dénouement collectif : le fait de se sentir considérés comme des oubliés. » Oubliés des autres, de leur pays d’origine, de leur famille, de la société qui les exclut…

Le photographe a écouté longuement ce qu’ils ont bien voulu lui dire. Et puis à eux, les oubliés, il leur a demandé de répondre à la question : « Quelle est la personne, l’événement ou le moment qui a été le plus déterminant dans votre histoire personnelle et que vous ne pourrez jamais oublier ? ».


FRANCIS (photo : Georges Pacheco).

Diptyques

Georges Pacheco a mis en forme chaque histoire au travers d’un texte restituant les paroles brutes,  mais surtout via un diptyque photographique. La photo de droite est un autoportrait de la personne, qui s’immortalise elle-même déclencheur en main. Dans celle de gauche, le photographe interprète librement la réponse de la personne à sa question sur la mémoire. « Il n’était pas possible de coller de trop près à cette mémoire, certains souvenirs sont délicats. Je les ai donc illustré souvent de façon poétique, explique l’artiste avant d’insister : « Il fallait quelles personnes s’y retrouvent ».

Francis pose une main sur le cœur et le déclencheur dans l'autre, celle mutilée par un incendie qu’il a provoqué accidentellement. En vis à vis, on voit un soleil enflammé perçant un nuage de fumée. « J’ai été gravement brûlé. Je n’aime pas trop montrer ma main. » Souvenir douloureux.
Alphonse pose chez lui au milieu d'objets de décoration équestres. En vis à vis, on le découvre dans un tête à tête affectueux avec un cheval. « Je travaillais dans les chevaux de course. Ça faisait longtemps que je n’en avais pas touché un. » Souvenir heureux.
Philippe a lui photographié son visage en gros plan, traits émaciés, mine fatiguée. En vis à vis, on voit un tas de carcasses de voitures. « Mon amie est morte dans un accident de voiture. » Souvenir douloureux
Mark pose barbe blanche et képi de marin sur un fonds neigeux. En vis à vis, un mouton noir dans une immensité blanche. « J’ai vécu en Scandinavie, j’aime les voyage, les grands espaces. » Souvenir heureux.

Depuis la publication en octobre, eux et les autres se relaient auprès du public pour faire exister le livre et eux avec. Mais ils le précisent unanimement : "entre nous on n’en parle pas. On sait que nos histoires sont là, c’est tout ».


ALPHONSE  (photo : Georges Pacheco).

Rencontre

L’aventure a commencé il y a plus d’un an. L’association de gestion de logements accompagnés Nelson Mandela met en place tous les 4-5 ans un projet fédérant personnel et usagers. En 2003, c’était “Là bas ma tête ici mon corps”, un recueil de témoignages écrits de travailleurs immigrés vieillissants, et en 2008 un voyage à l’expo internationale sur l’eau de Saragosse.

Cette fois, tout est parti d’une rencontre évidente avec George Pacheco. L’association est en phase avec ce photographe qui a étudié la psychologie et travaille dans une démarche de partage avec ceux qu’ils photographient, prend en compte leurs limites. Elle lui fait bénéficier de son long travail de proximité et de confiance avec ses “résidants”. D’étranger, le photographe a ainsi pu devenir leur témoin intime. Il les a aidé à se révéler et à se relever.

 « Avant ils étaient courbés, maintenant ils sont droits et assument ce qu’ils ont vécu, ceux qu’il s sont », est persuadé Jean-Jacques Jeulin, directeur de l’association, qui a porté le projet et l’a financé grâce à des subventions publiques mais aussi sur fonds propres. Il espère le rentabiliser au plus vite (il faut vendre au moins un tiers des 1500 exemplaires) et s'en servir pour sensibiliser le grand public, toujours en faisant participer les usagers.


MARK (photo : Georges Pacheco).

Soulagement

Francis confirme que ce livre l’a soulagé et aidé à avancer : « c’est une étape importante pour passer à celle d’après : regarder devant, recommencer à vivre, à sortir, aimer, être aimé… ».  Mark aussi est content de l’avoir fait : « Pour laisser une trace de mon passage et partager. J’ai trop été égoïste ». Philippe est lui un peu déçu. Hospitalisé pour un cancer pendant que le livre se construisait, il a un peu l’impression que ses mauvais souvenirs lui ont échappés : « Mais c’est pas si grave, c’est fait ! Et le mec ne s’est pas foutu de nous, c’est un bouquin bien fait ! »

Armandine Penna

Prochaine séance de dédicaces : dimanche 16 décembre à la Librairie Thuard au Mans.

Le livre, vendu 15 euros, est en vente au Mans à la FNAC (Rayon livres Photo), ainsi que dans les libraires Thuard et Doucet au Mans. Vous pouvez aussi le commander directement auprès de l’association de gestion de logements accompagnés Nelson Mandela : 80 rue de l’Angevinière, 72100 le Mans, 02 43 86 30 58, rsmandela.contact@orange.fr

Site du photographe Georges Pacheco