Armand Hamon, président des Eaux Vives. En raison des coupes budgétaires, son association doit faire face en ce moment à des difficultés sociales et techniques (photo : F. Lossent).
En principe, le CHRS « le Val » devait fermer ses portes ce 1er juillet, mais l’échéance n’a pas été respectée. « La Direction de la cohésion sociale nous accorde une souplesse en tenant compte des difficultés que nous rencontrons », indique Armand Hamon, le président des Eaux Vives.
« Le Val » se situe sur la commune de Fay de Bretagne, il est en activité depuis le début des années 80. C’est un CHRS de 16 places qui accueille en majorité des personnes qui rencontrent des difficultés d’ordre psychique ou psychiatrique. Son coût à la place avoisine les 32 000 euros par an : c’est le double de la moyenne régionale, les fameux 15 068 euros mis en avant par les services de l’État pour inciter ou contraindre les associations à réduire les dépenses de prise en charge. « Depuis longtemps, l’État nous reprochait ce coût élevé qui s’explique par l’organisation d’ateliers autour du jardin et de la menuiserie, confie Armand Hamon. Ces activités ne sont pas obligatoires mais elles apportent un cadre apaisant pour les personnes accueillies, comme par exemple celles qui ont des addictions. Il y a deux ans, un audit de la DDASS avait souligné que ce coût élevé était justifié compte tenu de notre mission auprès de ce public. »
Fermeture ou transformation
Malgré les particularités de l’établissement, la DDCS 44 a décidé cette année de baisser le budget du CHRS « le Val » de 9 %. « Une baisse plus grande si on se base sur le budget réalisé l’an dernier avec les traditionnelles rallonges de fin d’année. » En apprenant cette nouvelle donne financière au printemps, l’association met sur la table deux possibilités : la fermeture pure et simple ou la transformation en CHRS diffus. C’est la deuxième option qui est retenue, à contre cœur mais en accord avec les représentants de l’État. Comparé au CHRS « classique », le diffus est beaucoup moins couteux : moins d’accompagnement, donc moins de salaire à verser. Le raisonnement est simple, mais il entraine deux difficultés concrètes.
Pas simple de capter des logements
Première difficulté : trouver des logements, en théorie pour les 16 personnes accueillies dans le CHRS. En réalité, 8 d’entre elles ont déjà été orientées vers d’autres solutions, essentiellement en résidence d’accueil avec suivi psychiatrique ou vers d’autres structures d’hébergement insertion. Dans l’immédiat, restent donc 8 personnes à loger. Problème : l’association a du mal à capter des appartements disponibles sur les communes d’Orvault et de Saint Herblain dans l’agglomération nantaise. Du coup, les regards se tournent désormais vers les contingents préfectoraux et le parc privé. Mais la première piste n’est pas censée être activée hors cas d’urgence manifeste, et avec la deuxième, l’association les Eaux Vives se sent démunie : « avec les bailleurs privés, on part de zéro. On sait qu’il y a des logements vacants mais il faut des contacts et savoir convaincre et rassurer les propriétaires. »
Reclassements ou licenciements économiques
Deuxième difficulté et pas des moindres sur le plan humain : que vont devenir une partie des salariés qui travaille au CHRS « le Val » ? 2 moniteurs d’ateliers et 4 travailleurs sociaux sont touchés par la réorganisation. « Nous avons proposé des solutions, indique Armand Hamon. Nous avons conscience que ce n’est pas facile parce que les propositions impliquent un changement de nature et de lieu de travail, donc un changement de vie important. » Pour les personnels concernés, des négociations sont en cours mais la situation est difficile : soit ils acceptent un reclassement, soit ils sont licenciés pour motif économique.
Partout, on réduit la voilure
L’association des Eaux Vives n’est pas la seule à traverser en ce moment une période délicate. Au Centre Saint Benoît à Nantes, l’heure est aussi aux négociations douloureuses avec le personnel. « A cause de nos baisses budgétaires, déplore Jean-Yves Crenn le directeur, nous sommes contraints de fermer des places, de diminuer des amplitudes horaires et de procéder à des licenciements, entre 5 et 10 pour notre association. » Idem du côté de l’Anef-Ferrer où le directeur a calculé qu’il allait perdre l’équivalent de 18 % de son dernier budget. « Actuellement, on essaye de voir si on peut redéployer le personnel touché par les baisses de financement, relate Philippe Jehanno, mais on sera peut être amené à se séparer d’une partie de notre équipe, probablement 2 à 3 salariés ». En tout état de cause, les directeurs et administrateurs de différentes structures, confirment que les services de l’État leur accordent des crédits « non reconductibles » et « non affectés ». Officiellement, ce ne sont pas des enveloppes destinées à financer des plans sociaux, mais de fait, ces budgets peuvent servir à régler les indemnités obligatoires de licenciement ou à aider des salariés à quitter leurs fonctions dans de meilleures conditions financières.
Nouvelles formes de mobilisation à la rentrée
Dans ce contexte, la FNARS qui fédère 60 associations d’accueil et de réinsertion sociale en Pays de la Loire, maintient ses consignes auprès des acteurs de terrain. Par exemple, le boycott de différentes commissions (CAPEX, DALO, SIAO), la non contractualisation avec l’État pour formaliser les projets de restructuration ou encore la grève des remontées statistiques. « Face aux baisses budgétaires, les Pays de la Loire étaient les premiers à réagir, rappelle Nicole Lorieux, la présidente régionale. Maintenant, la mobilisation est généralisée, toutes les régions sont dans le mouvement et je pense que ça va s’amplifier. » De nouvelles formes d’action sont en effet prévues pour le mois de septembre.
Frédéric Lossent