À partir de ses statistiques 2011 et de ses rapports des années précédentes, le Secours catholique a porté un regard sur l'évolution de la situation de ses bénéficiaires depuis dix ans (Photo LCS).
Les chiffres de l’Insee l’attestent, les rapports des ONG se suivent et se ressemblent : on le sait, la pauvreté a augmenté ces dernières années en France, particulièrement à partir de la crise de 2008. Quelle forme a-t-elle prise chez les bénéficiaires du Secours catholique ? Cette année, l’association a regardé dix ans en arrière pour mieux comparer l’évolution de la situation de ceux qui fréquentent leurs lieux d’accueil.
Plus de familles
Premier constat : les populations changent de visage. La part des familles parmi les personnes accueillies au Secours catholique augmente dans les différentes délégations. En Loire-Atlantique, par exemple, cette part est passée de 42 à 52% en dix ans. Les familles monoparentales sont elles aussi plus nombreuses. Ce qui contribue à faire particulièrement évoluer la pauvreté féminine : « Dans une conjoncture économique dégradée, ces femmes éloignées du marché du travail pour élever leurs enfants ont d’autant plus de mal à retrouver un emploi lorsque ceux-ci quittent le foyer », explique le rapport.
Les plus fragiles ont tendance à s’installer durablement dans la pauvreté. Ainsi, en 2011, pour 68% des ménages rencontrées (contre 61% en 2001), la situation de pauvreté n’apparaît pas comme la conséquence immédiate d’une difficulté particulière, note le Secours catholique pour qui, il s’agit donc d’une « situation installée ». Et ce constat vaut également pour les familles étrangères : en dix ans, la part des ménages de migrants qui se présentent au moins deux ans de suite dans les lieux d’accueil de l’association est passée de 20 à 35%.
Plus de retraités
Phénomène nouveau, les plus de 50 ans prennent une part de plus en plus importante parmi les bénéficiaires. En Pays de la Loire, ils sont 23% à avoir franchi le seuil du Secours catholique en 2011 alors qu’ils n’étaient que 14% en 2001. « De plus en plus de retraités sont en difficulté en raison par exemple de l’augmentation des frais de santé », commente François Soulard, directeur du Secours catholique en Loire-Atlantique.
Dans ce département, comme dans la plupart des territoires urbanisés, la part des étrangers accueillis par l’association a fortement augmenté. Ainsi, alors qu’en Pays de la Loire, le nombre de personnes sans ressources est resté stable à 18%, ce chiffre est de 34% en Loire-Atlantique.
Facture énergétique
Pourtant, malgré ces chiffres, le revenu des personnes accueillies par le Secours catholique a eu plutôt tendance à augmenter. En Pays de la Loire, il est passé de 414€ par personne à 518€. Certes, ce revenu reste bien en dessous du seuil de pauvreté. Mais comment expliquer cette hausse ? Cela signifie-t-il que la pauvreté a diminué ? Pas du tout, explique François Soulard, qui avance une raison : « La part de la facture énergétique a largement augmenté dans le budget des familles. »
François Soulard, directeur de la délégation de Loire-Atlantique.
Le budget disponible pour les dépenses d’alimentation, de soins et d’habillement est baissé de 50 à 28,3%. Dans sa délégation de Loire-Atlantique, une personne sur deux a eu un problème d’impayé.
Adaptations de l’action
En dix ans, le réseau du Secours catholique s’est adapté à la réalité des pauvretés qu’il rencontre. Et ce nouveau rapport vient bien souvent confirmer les orientations prises. Face aux impayés, un partenariat a ainsi été développé en Loire-Atlantique avec le pôle solidarité d’EDF il y a trois ans. « On a des possibilités de négocier avec l’opérateur en cas de retard de paiement », souligne François Soulard.
Même chose pour aider les familles en difficulté : le Secours catholique a développé des parrainages de proximité avec le Conseil général et l’Union des associations familiales (Udaf). L’objectif est de permettre aux familles demandeuses de bénéficier d’un soutien à la parentalité, et de construire du lien avec d’autres familles. Après 7 ou 8 ans d’expérimentation, le programme se développe vraiment depuis deux ans.
Face à l’augmentation du nombre de retraités, des groupes de convivialité se sont créés pour lutter contre la solitude. Il faut dire qu’en dix ans, la délégation de Loire-Atlantique a particulièrement développé son réseau de bénévoles. D’une trentaine d’équipe de secteurs en 2001, il est passé aujourd’hui à 37. Ce qui permet à la délégation d’atténuer les difficultés des 12000 personnes qu’elle a accueillies en 2011. C’est deux fois plus qu’il y a dix ans.
David Prochasson