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Une auxiliaire de vie sociale se raconte
Publié le 14/04/2010
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reportage

Anne Soreau est auxiliaire de vie sociale à l’ADMR 49. Elle revient sur son parcours, l’évolution de la profession, les raisons pour lesquelles elle aime ce métier et la manière dont elle l’exerce. 



Anne Soreau, auxiliaire de vie sociale dans le Maine et Loire. (photo : C. Petident)

Anne Soreau nous reçoit dans les locaux de l’ADMR à Seiches-sur-le-Loir (Maine et Loire). Sans attendre qu’on lui pose des questions pour parler de son métier, elle embraye directement sur le fond : « Notre but, vis à vis des personnes aidées est de leur permettre de rester le plus longtemps possibles chez elles. Donc nous devons chercher à leur laisser de l’autonomie. Il faut faire attention à ne pas trop les materner ». Pas de doute cette femme de 37 ans, vit son métier et ne demande qu’à le disséquer.

Il faut lui demander de s’interrompre et lui proposer de  commencer par le début, ses débuts : « Je voulais travailler dans le social depuis toute petite, j’ai donc commencé par un BEP Sanitaire et social. Tout de suite après mon BEP j’ai été en stage pendant un an et demi en maison de retraite et puis en CES (contrat emploi solidarité). J’ai ensuite enchainé des cessions de formations continues et il y a 12 ans j’ai rejoint l’ADMR 49. Par la suite j’ai suivi une VAE, et aujourd’hui je suis auxiliaire de vie sociale de catégorie C».

«Bonjour Mam’zelle»

Les débuts, en stage puis en CES ont été difficiles, premiers contacts avec une réalité crue pour une jeune fille de 17 ans : « J’étais agent de service. Je faisais le ménage, les toilettes au lavabo, le couchage et j’aidais les gens à manger. Je l’ai mal vécu à l’époque, j’étais très jeune et le rapport au corps, à la vieillesse, à la toilette était dur, la pathologie des gens vous saute alors en plein visage.  J’avais aussi l’impression que les professionnels passaient à côté de tout, tout allait trop vite. Mais à l’époque je faisais ce qu’on me disait, en un an et demi je n’ai opposé que 3 refus. Le plus souvent je me disais que je n’étais pas qualifiée pour me positionner.

J’ai de bons souvenirs aussi, marquants pour certains comme cette femme dont je m’occupais et qui ne me parlait pas. Je la faisais manger, elle me caressait la main, je voyais ses yeux s’animer et puis un matin, elle m’a dit Bonjour mam’zelle ! Mes collègues ne m’ont pas cru car elle ne parlait plus depuis 10ans, je l’ignorais. Je sais aujourd’hui, avec le recul que cette histoire a été déterminante dans ma décision de continuer ».

C'est quand même la question que l’on se pose, pourquoi avoir continué dans cette voie. Parce que à la base aide à domicile, c’est un métier ingrat, dévalorisé : « Faut reconnaître que pendant longtemps et encore parfois aujourd’hui on est vu par les gens comme des êtres corvéables à merci, faisant un boulot pas ou peu qualifié, pas gratifiant, pas épanouissant. On peut l’accepter, moi pas, j’ai cherché autre chose dans mon métier. Je crois que j’ai réussi et je ne veux pas en changer.  Je suis auxiliaire de vie sociale de catégorie C. « vie sociale » ça symbolise bien le rapport humain, qui tient une part importante dans mon travail.  L’auxiliaire de vie sociale a un vrai rôle de sociabilisation auprès de la personne aidée. Ça n’empêche pas que parfois on me prend juste pour une femme de ménage, une espèce de gouvernante».

«Jamais assez armée»

Du ménage, Anne Soreau en fait, des toilettes également mais toute une partie de son travail consiste vraiment en de l’accompagnement social : activités pour des personnes handicapées ou âgées, à domicile ou à l’extérieur. Ce jour là d’ailleurs Anne nous propose de la suivre chez un homme handicapé qui vit au domicile familial. Dans la voiture elle montre le sac qui lui est réservé. A l’intérieur : son cahier d’écriture, un scrabble. Elle passera ce jour là 4 heures avec lui. Elle est accueillie par la mère de cet homme de 37 ans. Elle est attendue, on lui sert un café sans avoir besoin de lui demander si elle prend du sucre : elle en prend 2 tous le monde le sait, et pour cause cela fait 3 ans que Anne travaille ici. « Quand j’interviens chez quelqu’un j’essaye de prendre en compte tout son environnement. C’est important, ça a un rapport avec la dignité de la personne que de comprendre qui est qui autour d’elle. Le paradoxe c’est que notre place à nous n’est pas la plus reconnue mais par contre on a la meilleure place d’observation, on reste bien plus longtemps chez la personne aidée que l’infirmière par exemple. D’ailleurs le rapport que les personnes aidées ont avec leur auxiliaire de vie est tout à fait particulier, on est proche, on rentre dans leur intimité mais on n’est pas de la famille non plus. Bien souvent c’est à nous qu’elles parlent»

Depuis ses débuts hésitants la femme a changé : ce qui lui faisait peur hier est devenu aisé mais d’autres complexités ont pris la place : « Au début, quand j’ai débuté ce qui était difficile c’était de faire la toilette ! C’est comme la confidentialité, le secret professionnel, c'est primordial dans notre métier mais au début quand vous débutez, et que le voisin de la personne chez qui vous allez vous demande « elle va comment madame machin ?» faut apprendre à résister. Aujourd’hui c'est différent.  Je trouve entre autre compliqué d’anticiper les besoins. Par exemple le deuil des objets chez les personnes âgées qui ont perdu leur conjoint, il faut du temps avant de comprendre que si tel objet est poussiéreux et ne change pas de place c'est qu’il appartenait à la personne aimée aujourd’hui disparue. Et qu’il ne faut pas le dépoussiérer à tout prix. Il faut quand même être armée dans notre métier, pour faire face à différentes situations, mais on ne l’est jamais assez. Au sein de l’ADMR on travaille avec un psychologue référent. Des réunions ponctuelles sont organisées, on y assiste ou pas, comme on veut.  C’est une aide importante ça peut nous aider à débloquer des situations précises. »

«Je me suis cultivée»

Ce métier Anne Soreau l’aime. Elle en parle avec passion mais sans rien idéaliser non plus. Des manques il y en a : Le manque de temps : « C'est vrai qu’on n’a pas toujours assez de temps lors de nos interventions. ( en moyenne deux heures  pour le ménage, trente ou quarante-cinq minutes pour les toilettes et jusqu’à une journée complète pour de l’accompagnement.)  Et les plans d’aide n’évoluent pas toujours,  ils sont fixés pour une durée d’un an par exemple, or les besoins peuvent évoluer pendant cette période». Le manque de travail en réseau : « En tant qu’auxiliaire de vie sociale, non je n’ai pas de liens avec ceux et celles qui mettent en place le plan d’aide ni non plus avec les autres professionnels, par exemple ceux du service de soin.  D’ailleurs je me bats encore pour obtenir des informations en matière de pathologie avant d’aller chez quelqu’un, j’en ai besoin pour savoir « où je mets les pieds ». C’est pas la même intervention si on va chez quelqu’un qui souffre d’Alzheimer. ».

Le métier a évolué, s’adaptant aux besoins d’une société en mouvement. Anne s’en rend compte et est convaincue que ce n’est pas fini : «  on vit de plus en plus vieux, et la tendance est à favoriser le maintien à domicile. Cela veut dire qu’on peut, potentiellement suivre quelqu’un pendant de nombreuses années, voire évoluer sa pathologie. De plus en plus on tend vers des soins palliatifs à domicile. Même si ce n’est pas identifié come tel. Vous  savez, quand on est sur des soins vitaux, comme nourrir, hydrater, laver, on est sur du palliatif.  Je pense d’ailleurs que ce sera la grande ouverture de nos métiers : le soin palliatif à domicile, en tenant compte bien sur des limites sanitaires, mais on y viendra de plus en plus».

Anne Soreau n’a aucun regret quant à son parcours, sachant que ses choix n’appartiennent qu’à elle et ne sont pas adaptables à tous : « Quand j’ai débuté, je pensais vraiment que la formation faisait tout, aujourd’hui je pense que le vécu de la personne est très important et fera qu’elle saura ou non appliquer ce que la formation lui a appris. Il faut être honnête, ce métier on peut le faire de différentes manières, on peut le voir comme un métier de base simple, sans enjeux. Moi non, c'est différent, J’aime ce métier et j’ai l’impression que je peux le faire à fond. Et je me suis rendue compte que la difficulté me plaisait. 

 Ce qui me fait rester dans le métier ? Le terrain ! Je m’en nourris, la diversité des personnes chez qui j’interviens est grande, je n’ai aucune monotonie et puis je trouve que je me suis cultivée au fil du temps auprès des gens chez qui je vais travailler.».

Cécile Petident

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