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Le tabou de la sexualité est devenu "bavard"
Publié le 09/08/2010
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reportage

La FNARS Pays de la Loire lance la réflexion sur la prise en compte de la sexualité dans les structures médico-sociales. Premier constat : personne n’y est prêt ! 

Article initialement publié le 14 avril 2010.



Arnaud Gaillard : «Promouvoir la santé sexuelle des prisonniers réduirait la délinquance» (photo : H. Heulot)

Rendre les tabous «bavards» ! Beau projet que celui de la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (FNARS) des Pays de la Loire. Elle a réuni soixante-dix professionnels à Angers, le 6 avril dernier, autour de celui de la sexualité dans les structures d’accueil et de soin. Et le chantier paraît énorme. «Le tabou se fissure. Les langues se délient. Mais au-delà de ça nous sommes un peu perdus», résumait un participant. La journée a malgré tout, dégagé des pistes de travail.


La loi s’impose

Premier constat, l’urgence est là. Plusieurs forces s’exercent sur les professionnels et les institutions, à commencer par la loi du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale. Cette loi redit les droits à l’intimité, au respect des liens familiaux, à l’autonomie incluant les relations personnelles et le droit à la sexualité, ainsi que la non-discrimination sexuelle, raciale, religieuse des personnes accueillies. «La loi n’a rien institué. Ce ne sont que des rappels de la loi générale que le législateur a adressé au secteur médico-social en raison de la vulnérabilité des personnes prises en charge», a rappelé Abdessetar Ben Abdallah, juriste à l’IFRAMES d’Angers. Mais en même temps, la loi a promu le droit de l’usager à travers certains outils comme le livret d’accueil des établissements et le contrat de séjour signé avec lui. Elle signe la fin de la prise en charge «tutélaire» de la personne, la reconnaissance de sa qualité de sujet. Le début aussi de l’éventuelle «négociation» avec elle sur les conditions de sa prise en charge pour que ses droits soient respectés. Notamment en ce qui a trait à la sexualité. «Dans ce domaine, nous parvenons à gérer des demandes individuelles. Par exemple, l’accueil de personnes extérieures à l’établissement, la nuit. C’est beaucoup plus difficile à envisager d’une manière collective», indique Pierre-Emmanuel Nicolau, de l’Association Aurore à Nantes.

Les exemples foisonnent de ce type d’impossibilités à créer les conditions d’une vie sexuelle pour personnes accueillies. Les établissements non-mixtes. Les chambres à lits individuels, à plusieurs lits.


La montée en puissance de l’usager

Souvent au nom de la sécurité et de la protection, bien des décisions des professionnels se trouvent ainsi attaquables en justice parce qu’elles s’interposent au droit à la sexualité des personnes. Même s’il ne le fait pas, l’usager pourrait saisir les tribunaux. «Nous avons à nous mettre au clair sur ces questions parce que nous ne pouvons pas éluder non plus nos missions de protection», tempère Jean-Siméon Ménoreau, psychologue et sexologue à Nantes.


Une sexualité «comme tout le monde»

Une pression supplémentaire provient de la société. La sexualité, devenue un sujet très médiatisé, est facilement réclamée par les individus. «Il n’est pas rare que les familles d’handicapés mentaux revendiquent pour eux qu’ils aient un conjoint. De là à ce qu’ils aient des enfants !», raconte Christelle Fouache, du pôle Mayenne de l’IREPS Pays de la Loire. Le besoin d’une sexualité «comme tout le monde» fleurit dans les discours. Peu importe si, justement, les personnes prises en charge ne se trouvent pas en situation d’être «comme tout le monde». D’un point de vue social ou médical. Voire judiciaire quand il s’agit des prisons.


La sexualité altérée

Le cas de la prison apparaît comme un cas limite d’établissement où la sexualité est altérée. Arnaud Gaillard, auteur de «Sexualité et prison, désert affectif et désirs sous contraintes» explique comment hommes et femmes changent en prison à l’égard de la sexualité, comment «la dimension sexuelle est peu ou pas prise en compte en France» en raison du statut des prisons. Dans notre pays, d’une façon particulière, c’est un lieu d’expiation. Les prisonniers doivent y être privés non seulement de liberté mais de vie sexuelle aussi. «Cette façon de ne pas les préparer, de ce point de vue aussi, à la sortie renforce la violence de notre société. Nous en payons déjà le prix en terme de délinquance», estime Arnaud Gaillard.


Promouvoir la santé sexuelle

Dans toutes les structures, les professionnels se demandent comment accompagner la sexualité des personnes dont ils ont la charge. Ils s’accordent pour reconnaître l’importance de leur «santé sexuelle». Mais, au-delà des questions de locaux, de règlements intérieurs, de l’évolution des institutions (missions, administration), ensemble de points qui doivent tous être revus en fonction de l’objectif à promouvoir, tous se demandent comment faire évoluer leurs pratiques en ce sens. Jean-Siméon Ménoreau, psycho-sexologue a son diagnostic. «Nous les professionnels du social et de la santé, souffrons d’une incompétence collective en matière de sexualité. Commençons, déjà par savoir de quoi l’on parle». Sur l’amour, la tendresse, le désir, le plaisir, le couple, tout le monde a des idées personnelles mais par absence de toute formation sur le sujet, aucune équipe de professionnels ne peut s’entendre sur leur sens. Encore moins en déduire une pratique à l’égard de personnes fragiles ou malades. Ils réclament donc de la formation à la sexualité, initiale ou continue.


La loi interdit les accompagnateurs sexuels

Ils réinterrogent aussi leur éthique. «Quand dans nos maisons-relais, j’ai un résident permanent qui me demande comment faire pour aller chercher un moment de plaisir sexuel avec une femmes, qu’est-ce que je fais ? Je l’accompagne à la rencontre de prostituées ? Mon éthique ne dit rien sur la question. La loi française interdit les «accompagnateurs sexuels». Dans notre équipe, nous ne faisons rien. Nous le laissons avec sa question», explique Clémentine Charrier, de l’association Gipil à la Roche-sur-Yon.

La journée de la FNARS Pays de la Loire va déclencher bien des débats dans les équipes et les conseils d’administration.


Hubert Heulot

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