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La participation des usagers,
terres encore trop inexploitées
Publié le 29/11/2012
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Lors de sa dernière journée Exclusive, la Fnars Pays de la Loire a fait le point à Nantes sur la place des personnes accueillies dans les décisions qui les concernent. 10 ans après la loi 2002-2 poussant dans ce sens, un gros travail reste à faire pour mieux les impliquer et les écouter. Mais les “graines de la participation" sont prêtes à germer, pour peu qu’on ait la volonté de bien les cultiver.



Lors de sa journées exclusive du 28 novembre à Nantes, la Fnars a invité structures et personnes accueillies à une réflexion sur la manière de mieux cultiver les "graines de la participation des usagers" (photo : A. Penna)

Ce qui ne l’était pas hier apparaît aujourd’hui comme une évidence : il faut favoriser la participation des personnes accueillies. Car avoir leur mot à dire sur les choix qui les concernent, c’est leur droit. Car « participer, c’est ne plus être exclu », comme le concluait la Fnars Pays de la Loire lors de sa journée Exclusive sur ce thème le 28 novembre.

Monter les marches

Les usagers peuvent participer à différents niveaux. D’abord, être impliqués dans la mise en place de leur projet personnalisé d’accompagnement. Ensuite, prendre part aux décisions, quotidiennes ou stratégiques, concernant le fonctionnement des établissements et services qui les accueillent. Ils peuvent aussi être associés à la mise en œuvre et à l’évaluation des politiques publiques sociales. Et enfin, être tout simplement un citoyen participant à la société, voire même la faisant évoluer.

Haute ascension quand on part de loin, quand on a toujours été mis à la marge, quand on ne pense même pas avoir le droit à la parole ? Les marches se montent progressivement. Comme l’a fait cette résidente d’un CHRS, aujourd’hui présidente d’un groupe d’appui régional aux personnes accueillies de la Fnars (Lorraine). « Moi présidente, je n’aurais jamais pensé ! », témoigne Eva Wilhelm, avant de lâcher que les freins ne venaient pas que d’elle : « C’est long pour les instances de comprendre que les personnes accueillies ont aussi leur place, mais on y arrivera ! »

Parcourir du chemin

Voilà 10 ans que la fameuse loi 2002-2 rénovant l’action sociale et médico-sociale, a fait du respect des droits des usagers une obligation. Elle impose notamment la mise en place d’un conseil de la vie sociale (CVS) rassemblant des représentants des usagers et ceux du personnel. « Si les choses ont avancé en 10 ans, il y a encore du chemin à parcourir pour organiser les conditions de la participation des usagers », pose Maud Cesbron, la déléguée régionale de la Fnars Pays de la Loire.

La participation, terre plus en jachère qu’exploitée… Cette journée Exclusive a donc fonction de piqûre de rappel ou plutôt de distributeur de graines. Même si beaucoup déplorent qu’elle n’ait pas réuni suffisamment de… participants, et que la plupart soient déjà des convaincus. « Il faut continuer à cultiver ! », lance Philippe, éducateur de l’Étape, structure parmi d’autres (Anef-Ferrer, CHRS L’arc en ciel, comité d’usagers du CCAS d’Angers, Adoma Angers…) présentes avec leurs bénéficiaires sur des stands pour montrer l’exemple.

Bouger les lignes

Quels leviers sont à disposition pour faire bouger les choses ? Les structures doivent s’appuyer sur la loi 2002-2 et ses outils pour le respect des droits des usagers : instances de participation mais aussi charte des droits, livret d’accueil, contrat de séjour, règlement, etc. Elles peuvent aussi se tourner vers l’Anesm (Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements sociaux et médico-sociaux) et ses recommandations de bonnes pratiques.

Mais certaines n’en ont pas besoin, ou ne les ont pas attendues : elles sont depuis longtemps dans cette démarche. Comme l’association de gestion de logements accompagnés Nelson Mandela, qui a depuis 20 ans 4 délégués de résidents dans son CA votant comme les autres. Ou le CCAS d’Angers dont le comité d’usagers a un rôle croissant même s’il ne participe pas encore directement aux décisions. 


Lors d'un débat, des représentantes de la Fnars, de l'Uriopss, de la DRJSCS, ainsi qu'une représentante des personnes accueillies, ont croisé leurs avis sur la question : "La participation des usagers : terres en jachères ou exploitées ?" (photo : A. Penna)

Une question de volonté

« Attention à trop de formalisme », prévient Chrystèle Marionneau, inspectrice de l’action sociale et sanitaire à la DRJSCS, avant de préciser que « c’est avant tout une question de volonté institutionnelle ». Autrement dit, c’est avant tout une histoire de choix politiques. Les directions d’établissements doivent accepter de partager leur pouvoir, de le rendre moins descendant.

Cette volonté doit aussi venir de l’État, qui a fait des premiers pas. Dans le cadre de la politique du logement d’abord, l'ancien ministre Benoist Apparu a poussé à la mise en place au niveau national d’un conseil consultatif des personnes accueillies (CCPA), qui monte en puissance. « Ses émanations régionales, les CCRPA, se réunissent puis font remonter leurs propositions. On peut vraiment parler de co-construction », assure Camille Chamoux de l’Uriopss, qui coordonne le CCRPA des Pays de la Loire. Dans la même logique, pour préparer la grande conférence nationale de lutte contre la pauvreté, un 8èmecollège regroupe des personnes en situation de pauvreté. Seront-elles entendues ?

Écouter vraiment

L’enjeu est que toutes ces instances de démocraties participatives ne servent pas que de faire valoir. « Il ne s’agit pas que de faire le minimum pour satisfaire aux textes, mais bien de faire de cette obligation un véritable projet de transformation », résume Geneviève Colinet-Dubois de la Fnars. Il faut que les propositions des personnes accueillies soient prises en compte, et que si elles ne peuvent l’être, qu’on leur explique pourquoi. Les usagers se mobiliseront d’autant plus facilement si ils savent que leur avis a du poids.

Certes, certaines personnes sont trop occupées par leur survie quotidienne pour s’engager dans cette démarche. Mais d’autres ne demandent que ça pourvu qu’on leur en donne les moyens : en les encourageant et en les formant à la prise de paroles. Et en leur transmettant cette phrase qu’aurait dit Nelson Mandela: « Tout ce qui est fait pour moi, sans moi, est fait contre moi.»

Armandine Penna