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« Monsieur Ayrault, on ne veut pas d’argent mais une vie normale »
Publié le 06/12/2012
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À quelques jours de la conférence nationale de lutte contre la pauvreté, le Conseil consultatif régional des personnes accueillies (CCRPA) des Pays de la Loire a de nouveau donné la parole à des usagers. Ils ont échangé sur le thème : “c’est quoi une politique efficace de lutte contre les exclusions ?” C’est une politique qui répond à leurs besoins.



Le 5 décembre à Angers, des usagers ont pu exprimer leurs attentes dans le cadre du Conseil consultatif régional des personnes accueillies (CCRPA) (Photos : A. Penna)

C’est sûrement un peu la faute de l’hiver qui pousse à rester chez soi. Peut être aussi la conséquence d’une méconnaissance du rôle du Conseil consultatif régional des personnes accueillies (CCRPA) : faire remonter le point de vue des usagers sur les politiques publiques. Une dizaine seulement de personnes accueillies sont venues à la deuxième réunion de cette instance dans les Pays de la Loire, qui avait lieu le 5 décembre à Angers, mobilisées par l’association Nelson Mandela (72), le Secours catholique (44) et le centre social de Chemillé (49).

Avant cette occasion, la plupart d’entre elles n’avaient jamais entendu parler de la grande conférence contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale qui se tiendra le 10 et 11 décembre à Paris. Un sommet pourtant censé fixer les grands axes des politiques sociales qui les concernent, pour les 5 prochaines années. Même si les 7 groupes de travail de cette conférence ont déjà bouclé leur dossier, le compte rendu des échanges du CCRPA sera transmis au gouvernement via le délégué interministériel à l’hébergement et au logement Alain Régnier. Plus directement, les deux représentantes du pôle cohésion sociale de la DRJSCS présentes au CCRPA, assurent qu’elles vont  faire remonter au mieux à leurs administrations.

« À vous de nous dire quelles sont vos priorités concrètes en partant de votre vécu : ce que vous aimeriez que le gouvernement règle », explique Camille Chamoux de l’Uriopss, qui porte ce CCRPA avec la Fnars. Les participants s’emparent de post-it et de stylos, se mettent à exprimer leurs préoccupations.


Denise : «Le devenir de mes 4 enfants et 12 petits-enfants.»


Yvette : « Un logement pour ma fille en Vendée.»

Quelles sont vos priorités pour demain ? « Le devenir de mes 4 enfants et 12 petits-enfants. Je ne veux pas qu’ils vivent ce que j’ai vécu », écrit Denise sans hésiter, en grand-mère inquiète de devoir nourrir les enfants de sa fille en galère. « L’emploi », note Berthe, habitante nantaise originaire de Centre-afrique, qui a le statut de réfugié et une carte de 10 ans l’autorisant à travailler, mais tourne en rond chez elle. Le souci d’Yvette, c’est « un logement pour ma fille en Vendée, qui ne peut plus payer son loyer ». Logement, emploi, santé, c’est le trio de tête, et puis il y a l’accès au droit, la famille, le manque d’informations, la lourdeur des démarches administratives, les dépenses supplémentaires avec le besoin de chauffage, etc.



Denis : « Un appartement plus grand pour accueillir mes enfants.»


Jean-Mark : « Accéder à mes droits.»

Quelles sont vos priorités pour après-demain ?
« C’est plus compliqué de répondre, je vis au jour le jour », confie Denis, de la résidence sociale Nelson Mandela du Mans, perturbé par ses histoires de famille et de logement trop petit. « Oui vu notre situation, c’est difficile de se projeter dans l’avenir », confirme Jean-Mark. Lui qui a échoué dans cette même résidence sociale après une vie de voyage, confie quand même rêver de « partir en croisière ». « Sortir de chez moi et faire des activités, partager avec des personnes », exprime quant à elle Yvette. « Un toit à moi », écrit un autre participant. Globalement, leurs désirs d’avenir restent liées à des soucis assez immédiats et personnels. Sur le tableau des post-it, ils sont dilués dans les grandes intentions plus idéalistes et collectives des autres participants (travailleurs sociaux et DRJSCS), du type « réduire les inégalités sociales ». Pourtant, les personnes accueillies aussi ont un message plus « politique » à faire passer, même si elles n’ont pas toujours le réflexe et les ressorts pour le formuler.



Berthe : « L'emploi.»


Jean-Claude : « La santé, l'argent, voir mon fils.»

Si vous aviez Jean-Marc Ayrault juste en face de vous, que lui diriez vous ?
Berthe lâche : « Monsieur Ayrault, faut venir nous voir, il y a trop de pauvreté à Nantes. On ne demande pas de l’argent mais des formations, un travail, pour accéder à un logement, à une vie normale. On ne veut pas des poissons mais des cannes à pêche. » Jean-Mark s’anime : « Au lieu de concentrer les mannes financières sur l’armée ou l’action politique, il faudrait les consacrer davantage au social. » Jean Claude, d’une maison relais du Mans, semble se réveiller : « OK vous venez d’arriver au pouvoir, vous dites que vous allez faire ci et ça, mais il faudrait que d’ici un ou deux ans, il y ait des changements concrets ! » Il ne croit pas aux promesses politiques, mais est quand même prêt à s’engager : « Moi je suis à la retraite, mais je fais ça pour les jeunes, pour ne plus en voir à la rue. »

Jean-Mark aussi, déjà délégué des résidents de sa résidence sociale, se dit prêt à s’investir si le projet est bon : « Je sais que ça ne va pas m’aider à faire des voyages, mais au moins on essaie de décanter les choses ! » Camille Chamoux de l’Uriopss le reconnaît : «  On ne va pas faire des propositions miracles pour changer le monde, mais des propositions d’évolution. » Encore faut-il qu’elles soient entendues, condition sine qua non pour que la co-construction des politiques sociales visée par la mise en place au niveau national du Conseil consultatif des personnes accueillies (CCPA) et de ses déclinaisons régionales, ne soit pas qu’un effet d’annonce.  Jean-Claude conclut, un brin ironique : « Rendez-vous dans 5 ans ! »

Armandine Penna