Rappelez-vous, au milieu des années 2000, des décisions ont été prises à Nantes pour assurer ou restaurer ce qu’on appelle la tranquillité publique. L’arrêté municipal anti alcool de 2004 fait partie de ces mesures. Comme l’arrivée des médiateurs de rue. Comme le démontage de bancs publics ou la pose de mobiliers urbains revus et corrigés pour éviter les réunions informelles mais gênantes de personnes sans domicile.
À l’époque, des travailleurs sociaux avaient pointé un « contrôle social excessif ». Des SDF avaient parlé de « chasse à l’homme ». Des responsables associatifs s’étaient inquiétés d’une « approche sécuritaire au détriment de l’accompagnement social ».
D’un autre côté, des élus avaient évoqué les plaintes et les attentes de riverains et de commerçants. C’est une époque où on a beaucoup entendu parler d’ « occupations conflictuelles d’espaces publics » et de la nécessité de répondre aux exigences de sécurité tout en faisant de la médiation avec les publics marginalisés. C’est une époque où la commande publique était clairement d’apporter de nouvelles réponses à des demandes contradictoires.
Alors, est-ce que ce contexte a pesé sur un ou des individu(s) zélé(s) ? Est-ce que ce climat a influencé un ou des agents désireu(x) d’améliorer de son (leur) propre chef des pratiques professionnelles pas assez efficaces ? En allant jusqu’à créer et alimenter un fichier illégal de 129 SDF ? Rien ne permet de l’assurer aujourd’hui. Mais rien n’empêche non plus d’y penser.
La frontière entre la commande publique explicite d’une part, et ce qu’on croit comprendre d’une exigence politique d’autre part, cette frontière n’est peut-être pas toujours aussi claire et nette.
Frédéric Lossent