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Apic’s : un marche-pied
entre l’IME et l’Esat
Publié le 07/01/2013
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reportage
Handicap mental
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jeunes
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Adapei 72
dispositif

Agir pour l’insertion citoyenne et solidaire (Apic’s) est une expérimentation qui n’existe que dans les Pays de la Loire. Son objectif : aider des jeunes adultes en situation de handicap mental à trouver leur place dans le monde du travail. Une solution pour fluidifier les parcours qui se décline dans les 5 départements. Illustration au Mans avec le dispositif Apic’s géré par l’Adapei 72.



Charlène, tout comme 11 autres jeunes Sarthois en situation de handicap mental, a trouvé une place en Esat grâce au dispositif expérimental Apic's, porté par l'Adapei 72 et financé par l'ARS (photo : A. Penna)

Jennifer, Dany ou Charlène étaient ce qu’on appelle des jeunes handicapés mentaux sous amendement Creton. Âgés d’une vingtaine d’années, ils étaient maintenus dans des IME Sarthois normalement réservé aux mineurs, faute d’une autre solution. Et ils s’ennuyaient en attendant une hypothétique place en Esat conforme à leur orientation MDPH « travailleur handicapé ». « Il y avait pas mal de gamins et au bout d’un moment, c’était toujours la même chose », se souvient Jennifer, bientôt 21 ans.

Jusqu’au jour où elle a eu l’opportunité de quitter l’IME pour entrer à l’Apic’s 72. Elle signe un contrat d’accompagnement, est affiliée à un Esat en tant que stagiaire, suit 14 jours de formation, va partir de chez sa mère pour s’installer en logement accompagné. Et aujourd’hui est un grand jour : elle est officiellement embauchée à la blanchisserie de l’Esat Les Prairies, au Mans. « Ma vie a changé.»

Pas de géant

Dany travaille lui en Esat dans les espaces verts. Quant à Charlène, elle a obtenu le poste qu’elle voulait au self. « Elle qui n’avait pratiquement jamais mis les pieds dans le monde du travail, a fait des pas de géant », assure Catherine Provost, chef de service de l’Apic’s mais aussi de l’Esat Les Prairies qui l’embauche désormais. La professionnelle cite la jeune fille en exemple de l’utilité de ce dispositif né à la suite d’un appel à projet de l’Agence régionale de santé (ARS) des Pays de la Loire pour désengorger les IME : « une passerelle qui lève des freins et accélère les choses. »

Ces jeunes étaient sur les listes d’attentes des Esat, pas assez mûrs pour le statut de travailleur adulte. Grâce au travail d’accompagnement global (projet professionnel mais aussi, hébergement, santé…) et à la disponibilité des trois chargés d’insertion du dispositif Apic’s, ils ont pu construire un “projet individualisé” suffisamment solide pour envisager de passer le cap. « Nos chargés ne les lâchent pas, vont le chercher quand ils sont absents au travail, cela évite le décrochage », explique Catherine Provost. Un suivi très serré qui a permis à déjà 11 des 29 jeunes passés par l’ Apic’s de trouver une place en Esat.


Les jeunes de l'Apic's sont stagiaires dans un Esat et passent 14 jours ensemble en formation. Le but : les aider à murir leur projet professionnel et les préparer au monde du travail (photo : A. Penna).

Marches progressives

Mais la stagnation de ces jeunes en IME ne vient-elle pas autant du manque de places en Esat que de leur manque de maturité, comme l’a révélé le coup de gueule de structures du Maine-et-Loire ? Que peut alors l’Apic’s, malgré le meilleur accompagnement du monde ? « D’abord, dans la Sarthe, il y a quand même du turn-over », modère Pierre Hurger, directeur de 2 ESAT, de 2 EI et de l’Apic’s pour l’Adapei 72.

Pour lui, l’Apic’s a, avant tout, le mérite de faire bouger les lignes dans le lien IME-Esat: « Le passage du monde des enfants au monde du travail est une marche très haute. L’Apic’s permet de monter par petites marches. » Pour lui, ce dispositif d’accompagnement global– qui est en train de se stabiliser après une montée en charge - pousse aussi les Esat à s’interroger sur la manière adaptée d’accueillir des jeunes venant d’IME. Les familles, associées le plus possible à la démarche, sont elles aussi amenées à se remettre en cause. « Au global, cela permet un pas de côté qui peut débloquer les situations », résume Catherine Provost.

Principe de réalité

Ce n’est pas toujours facile. Car ces jeunes sont pareils à tous ceux de leurs âge : parfois en rébellion. Ils ont évolué avec la société, sont différents des travailleurs handicapés dociles qui formaient auparavant les rangs des Esat. « Les jeunes de l’Apic’s, c’est le public qu’on aura demain. Ils savent ce qu’ils veulent, parlent métier et logement autonome, ne se voientt pas en conditionnement-sous traitance ou en habitat collectif », explique Catherine Provost. Mais leurs rêves se heurtent à leurs capacités de jeunes en situation de handicap (mental, avec souvent des troubles du comportement ou psychiques associés) et aux possibilités qu’on leur offre.


Les encadrants, les formateurs et surtout les trois chargés d'insertion du dispositif, aident les jeunes à construire leur projet tout en restant dans un principe de réalité (photo: A. Penna).

L’Apic’s fait un gros travail pour les ramener au principe de réalité sans les démotiver. « On les aide à accepter leur statut de travailleur handicapé », explique Isabelle Raimbault, formatrice de l’Adapei 49 formation, qui travaille en partenariat sur ce projet avec l’Adapei 72. Sur le programme des 14 jours de formation, c’est l’objet du premier module : réfléchir à sa place de travailleur en Esat. Le deuxième est consacré à tout ce qu’il faut mobiliser en périphérie (transport, santé…) et le troisième, à la question du comportement professionnel (qualité, communication, sécurité, postures…)

« C’est la méconnaissance qui fait que ces jeunes ne se rendent pas bien compte, à nous de les orienter à leur juste niveau et les aider à dépasser leurs inquiétudes »,
 explique le chargé d’insertion Mickaël Crépeau. Il participe à leur formation collective et les accompagne individuellement en mobilisant tout un réseau de structures sociales.

Prolongements ?

Une coordination se met aussi en place au niveau régional : un chargé de mission vient d’être nommé pour animer une plateforme entre les 5 Apic’s départementaux. 5 dispositifs qui ont le même cahier des charges ARS mais des fonctionnements variant avec les problématiques locales, certains départements ayant des listes d’attente davantage bloquées.

Et en 2014, au bout des 3 ans prévus pour l’expérimentation, les financements de l’ARS (9800 euros par jeune) seront-ils maintenus ? Le dispositif étendu à d’autres régions ? Jennifer, Dany, Charlène et les autres auront eux en tout cas grandi.

Armandine Penna

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