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Feu Vert Mobilité, l’apprentissage
de la conduite pour tous
Publié le 08/01/2013
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reportage
mobilité
Permis de conduire
Brest
Don Bosco

A Brest, l’auto-école Feu Vert Mobilité, intégrée au pôle Initiative sociale de l’association Don Bosco, accueille les candidats au permis de conduire en difficulté d'insertion ou en situation de handicap. Orientés par les services sociaux, les apprentis conducteurs trouvent ici une pédagogie individualisée et un accompagnement renforcé.



Devant cinq élèves attentifs, Ludovic Laot, moniteur, décrypte le fonctionnement d’un horodateur. Chez Feu Vert Mobilité, l’apprentissage du code de la route commence par des cours généraux. « Nous ne laissons pas nos élèves seuls devant un DVD, nous prenons le temps de tout leur expliquer », indique Alan Costiou, responsable pédagogique de cette auto-école sociale créée en 1984.

Dans la salle, Cédric, envoyé par la Mission Locale, commence tout juste sa formation. Après un parcours scolaire chaotique, le code de la route lui pose problème et il a déjà échoué dans une auto-école traditionnelle. A 21 ans, il reconnaît que le permis est un sésame indispensable pour trouver un emploi. « Pas de permis, pas de travail : c’est comme ça que ça marche ! », regrette-t-il.


​Les cours de code sont dispensés en petits groupes pour prendre davantage le temps avec les publics en difficulté.

Outre quelques jeunes comme Cédric, Feu Vert Mobilité accueille principalement des allocataires du RSA ou des minima sociaux, sur prescription d’un travailleur social (CDAS, CCAS, Chantiers d'Insertion, Pôle Emploi…). L’établissement accueille chaque année 250 élèves âgés en moyenne de 30 à 35 ans. « Leurs difficultés, souligne Alan Costiou, sont très variées : des troubles cognitifs, de graves difficultés de compréhension, des parcours de vie qui entraînent un manque de confiance en soi, une mauvaise maîtrise du français... Pour tous, la formation au permis de conduire prend place dans le cadre d’un parcours de réinsertion sociale et professionnelle. »

Une pédagogie adaptée à chacun

Avant de pouvoir s’inscrire, les candidats sont évalués pendant trois heures. Premier test, les savoirs fondamentaux : lecture, compréhension, calcul, mémoire, vue… L’objectif est de repérer les difficultés d’apprentissage et, si besoin, d’y remédier avant de commencer la formation. Ils passent ensuite un test de conduite avant d’être reçus en entretien individuel. « Nous étudions leur parcours scolaire et professionnel et examinons les freins possibles liés à la mobilité, au financement, à la disponibilité, à la motivation… », indique Alan Costiou. A l’issue de ces évaluations, tous ne sont pas autorisés à s’inscrire : « Certains candidats sont réorientés vers une auto-école classique, d’autres doivent malheureusement renoncer au permis, qui n’est pas à leur portée. Si cela leur demande deux ans de formation et 6 000 euros de frais, j’essaye de leur expliquer que cela ne vaut pas forcément la peine… »

Des aides financières existent mais ne couvrent jamais la totalité des frais : la moitié, voire les deux tiers du prix, restent toujours à la charge du candidat. « Chez nous, il faut compter entre 2000 et 3000 euros. C’est plus cher qu’ailleurs, mais moins cher si l’on considère le nombre d’heures de formation dont nos élèves ont besoin… », rappelle Alan Costiou.

Si cette auto-école est atypique, ses moniteurs sont des moniteurs comme les autres. Excepté l’un d’entre eux, ils n’ont pas suivi de formation spécifique dans le domaine social. « J’estime que c’est une vocation, il faut en avoir envie, confie l’un d’eux, Claude Caravella. Ici, je suis à ma place, je ne travaille pas pour mon portefeuille mais pour mes élèves, Il n’y a pas de recette, on découvre chaque élève au fur et à mesure, on s’adapte et ça ne marche pas à tous les coups ». Pour le responsable pédagogique Alan Costiou, Feu Vert Mobilité se distingue d’une auto-école traditionnelle par la forte capacité d’écoute de l’équipe : « S’il le faut, nous passons beaucoup de temps à parler. Nous apprenons à connaître chaque élève pour instaurer une confiance réciproque. Le danger avec notre public, c’est que nous pouvons causer beaucoup de dégâts avec un simple mot…  Il vaut mieux connaître un minimum les pathologies de chacun. Tout cela, aucune formation ne l’apprend, seule l’expérience compte. »


​Alain Costiou, responsable pédagogique, a suivi une formation particulière mais ce n'est pas le cas de ses collègues moniteurs.

Dédramatiser le passage du permis

Les échecs à l’examen sont malheureusement fréquents et, là aussi, Feu Vert Mobilité accompagne ses élèves pour les valoriser. « Nous discutons, nous proposons des solutions. Ce soutien est primordial pour qu’ils ne se découragent pas. Nos élèves sont souvent déjà en situation d’échec, il faut s’efforcer de valoriser le positif de leur prestation, insiste Alan Costiou. C’est un travail que nous faisons aussi en amont, en essayant tout au long de la formation de dédramatiser le passage du permis. Pour beaucoup, cela devient une question de vie ou de mort ! Je leur explique que le permis est un plus, mais qu’il ne résoudra pas tout dans leur vie. »

Des échecs d’autant plus difficiles à accepter que les délais pour repasser l’examen sont longs, cinq mois au minimum. « En tant qu’auto-école sociale, nous n’avons aucun passe-droit. Les places à l’examen sont attribuées en fonction du taux de réussite au premier passage de nos élèves. Or pour nous, cette logique est difficilement tenable… », regrette Alan Costiou.

Feu Vert Mobilité accueille également des personnes en situation de handicap moteur et psychique et dispose d’un véhicule aménagé. Aujourd’hui, l’objectif est de développer cette activité. « Il y a un fort besoin dans ce domaine et nous ne sommes que deux établissements à proposer ce service dans le département… Avec ces élèves, nous établissons le diagnostic sur la capacité à conduire ou à reconduire et les aménagements nécessaires », indique Alain Costiou.

Récemment, l’association a également investi dans une voiturette. Cette idée a été lancée par des Esat qui y voient une solution adaptée à leur public. Limitées à 50 km/h, ces véhicules ne nécessitent pas de permis pour l’instant, mais cela devrait changer courant 2013. L’auto-école brestoise propose donc une formation de huit heures, théorique et pratique. Une alternative plus accessible au permis de conduire.

Virginie de Rocquigny