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Pourquoi le microcrédit social peine à se développer
Publié le 02/08/2010
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reportage

Contrairement au microcrédit qui a pour vocation d’accompagner artisan ou créateur d’entreprise, le microcrédit social vise à aider une personne en situation précaire dans sa vie personnelle. Il est au centre d’une journée d’étude de la FNARS, le 27 avril.

Article initialement publié le 26 avril 2010.



Laetitia, bénéficiaire d'un microcrédit social : "les travailleurs sociaux sont encore trop frileux" ( Photo : A. Humeau)

La Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (Fnars), en Pays-de-la-Loire, a commencé il y a deux ans à proposer du microcrédit social, avec ses associations adhérentes, par le biais du «parcours confiance» de la Caisse d'Epargne. Le dispositif a été lancé avec la loi de cohésion sociale de 2005 et l’instauration d’un fonds de cohésion sociale, qui garantit le prêt. Sur 100 euros prêtés, si le bénéficiaire ne rembourse pas, la caisse des dépôts et consignations (CDC) garantit le remboursement de 50 euros. Le reste est pris en charge par la banque qui accorde le prêt. Pas de risque réel pour le bénéficiaire, donc. Ce sont des sommes de plusieurs centaines d’euros, quelques milliers d’euros tout au plus, qui sont prêtées à un taux de 2,5 %.

Un camion, un permis ou un voyage

Une quarantaine de personnes a bénéficié du microcrédit social avec la Fnars, dans la région. Parmi elles, Frédéric, qui était sans domicile fixe et sans véhicule, mais pas sans emploi. Le microcrédit social lui a permis d’acheter un camion aménagé pour se loger et se déplacer vers ses lieux de travail. «On lui a prêté 4500 € parce qu’il n’avait aucune charge et qu’il pouvait donc rembourser facilement 200 € par mois, explique Rachel Moyon, chargée de mission «crédit accompagné» à la Fnars Pays-de la-Loire. Aujourd’hui, on ne va pas au-delà de 3 000 € ». le microcrédit social peut servir à payer une caution d’appartement, un premier loyer ou un équipement ménager.

Il peut servir aussi à maintenir la cohésion familiale, permettant aux enfants de retrouver leurs parents divorcés. À Cholet, Fatima (1) a bénéficié d’un prêt de 1200 euros pour financer un voyage de deux semaines au Mali, en janvier dernier. Fatima travaille pour l’entreprise d’insertion Ménage service, et élève seule ses deux enfants depuis que son mari, sans papiers, a été expulsé il y a un an et demi. «Le voyage a permis à toute la famille de se retrouver, et à Fatima d’aller pour la première fois se recueillir sur la tombe de sa mère, raconte Nathalie Dilé, conseillère en économie sociale et familiale à Ménage service. C’est quelqu’un qui se bat seule pour subvenir aux besoins de ses enfants, elle a beaucoup galéré par le passé, elle était à bout de forces, elle avait besoin de se ressourcer, c’était vital pour elle de faire ce voyage, plus vital que de passer le permis de conduire. Quand elle est revenue, elle était pleine de gratitude». Fatima devra maintenant rembourser 52 euros par mois pendant deux ans.

À Angers, Laetitia élève seule ses trois enfants. L’an dernier, elle était en Centre d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), lorsqu’elle a pris connaissance de l’existence du microcrédit social. «Même avec un bon CV, quand on n’a pas le permis de conduire, on passe pour une crevarde, soupire cette assistante trilingue. Il faut absolument avoir le permis de conduire pour être en position de négocier, notamment son salaire». Le microcrédit social (1800 €) lui a permis de prendre quarante heures de leçons de conduite. Problème : cela n’a pas suffi. Laetitia n’a toujours pas le permis, et elle doit maintenant rembourser 65 euros par mois pendant trois ans. «J’aurais dû demander une somme plus importante, mais j’étais sûre que ce serait refusé», regrette-t-elle. Son assistante sociale était quelque peu réticente, à en croire Laetitia : «Elle trouvait cela bizarre que l’on m’accorde un prêt, vu ma situation» .

Des travailleurs sociaux réticents

Les travailleurs sociaux seraient le principal frein au développement à plus grande échelle du microcrédit social selon Rachel Moyon, de la Fnars : «Il y a le mot “crédit“ qui fait peur, et on doit travailler avec une banque, tout cela n’inspire pas confiance. Et puis il y a la question économique, le risque d’un endettement supplémentaire. Il faut absolument casser ce stéréotype de la personne pauvre qui ne sait pas gérer l’argent». À l’inverse des crédits revolving, le microcrédit social semble justement dans bien des situations permettre de replacer les bénéficiaires dans une situation financière plus saine. « Dans un tiers des cas, il sert à combler le découvert bancaire et donc éviter les agios, observe l’économiste Pascal Glémain, qui a mené une étude sur le sujet. Cela a permis à certains ménages d’éviter de s’engouffrer dans le surendettement ». Certains travailleurs sociaux craindraient-ils aussi de se porter caution ? C’est ce que pense Laetitia :  «Dites-le bien, que le référent social ne se porte pas caution ! Il n’y a aucun risque pour lui, il faut le dire dans votre journal, vous avez une mission !».

Les freins sont aussi parfois du côté des bénéficiaires, comme le constate Nathalie Dilé de Ménage service : «Les trois ou quatre personnes à qui j’ai proposé un microcrédit social l’ont toutes refusé, parce qu’elles avaient eu une mauvaise expérience et qu’elles craignaient de s’endetter encore. Quand il y a un blocage, on ne peut pas forcer, il faut laisser le temps, c’est tout».

La journée organisée mardi 27 par la Fnars vise notamment à sensibiliser les travailleurs sociaux réticents, leur expliquer que le microcrédit est «un outil d’insertion complémentaire». La Fnars s’est fixée comme objectif d’attribuer quarante microcrédits sociaux par an. Au-delà de son développement à plus grande échelle, une autre évolution semble à envisager : son déploiement en milieu rural. «Il n’existe pour l’instant qu’en zone urbaine et périurbaine, or beaucoup de ménages ont besoin d’une voiture pour aller travailler en ville, et le microcrédit social est une solution», observe Pascal Glémain, qui remarque par ailleurs un autre débouché : permettre d’équiper certains ménages en ordinateurs, pour «combattre la fracture numérique qui touche particulièrement le milieu rural».

Antoine Humeau

(1) prénom d’emprunt

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