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Internat de respiration : « Les jeunes ressortent en capacité d’apprendre »
Publié le 15/04/2013
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entretien
sport
Internat respiration
Décrochage scolaire

En 2009, le président (PS) du Conseil général d’Ille-et-Vilaine, Jean-Louis Tourenne, lançait une initiative d’un nouveau genre : l'internat de respiration devait permettre aux collégiens décrocheurs de prendre du recul. Depuis, trois saisons ont passé à Mézières-sur-Couesnon (35), près de Rennes. Le directeur Gildas Hemono explique comment l’internat redonne le goût d'apprendre.

Lire aussi notre reportage à l’internat de respiration



Gildas Hemono, directeur de l'internat de respiration, sur la base de loisirs de Mézières-sur-Couesnon qui héberge les jeunes (Photos D. Prochasson).

Le Canard Social : Quelle est la philosophie et le fonctionnement du projet ?

Gildas Hemono : L’objectif, c’est de permettre à des collégiens en début de décrochage scolaire et qui connaissent des difficultés dans leurs relations familiales d’avoir un espace à l’écart pour se ressourcer et repartir du bon pied. Les enfants accueillis expriment des comportements perturbés sans pour autant relever de mesures liées à des comportements délinquants. Ils sont entre la voie classique et spécialisée.

Cette année, nous avons 13 élèves qui viennent essentiellement de Rennes et de Saint-Malo. Ils sont scolarisés dans trois collèges à Saint-Aubin-du-Cormier et Saint-Aubin-d’Aubigné, à côté de Mézières-sur-Couesnon et rentrent le soir à l’internat.

LCS : L’internat se situe sur une base de loisirs. Pourquoi ce choix étonnant ?

Gildas Hemono : On a été accueilli dans un lieu déjà vivant, avec des professionnels qui ont toutes les compétences. Le sport est un vecteur intéressant qui permet d’être confronté à soi-même. On ne propose que des activités individuelles, ce qui implique d’être en concurrence avec soi-même et non dans une compétition avec les autres. Les activités sont un support à la progression des jeunes. On souligne autant quand ça va que quand ça ne va pas. À l’internat, les jeunes s’engagent dans un projet qu’ils ont choisi et auquel ils adhèrent. Ils doivent manifester une volonté de quitter une situation compliquée, d’être bousculés pour résoudre ce qui ne va pas.

LCS : Quels types d’activités propose l’internat ?

Gildas Hemono : Des activités de plein air dans cinq domaines de compétences : le VTT, l’escalade, la course d’orientation, le tir à l’arc et le kayak. Les activités sont toujours menées en binôme, par un moniteur de la base de plein air et par un animateur de l’internat. On ne sous-traite pas à l’extérieur.

Pendant l’hiver, lorsque le moral n’est pas au top, on met en place un cycle de bien être et d’apaisement avec des activités décalées qui interpellent les jeunes : une visite du planétarium, des coulisses de l’opéra ou un atelier pâtisserie. Et deux fois par semaine, des activités collectives permettent d’évacuer la nervosité, en petits groupes.

LCS : Quelles difficultés rencontraient les élèves avant d’entrer à l’internat ?

Gildas Hemono : Des difficultés de concentration, d’agitation, des retards scolaires. Beaucoup manquent de confiance et ont le sentiment de ne pas être capable d’apprendre. Les relations avec les parents, qui peuvent tenir des discours négatifs sur leur enfant, sont souvent détériorées. Les punitions ont l’effet inverse de celui escompté : plus ça va, plus le sentiment de ne pas être capable se renforce et moins ils en font. Notre objectif est de dire : “on arrête tout et on repart autrement pour valoriser les réussites”. 

LCS : Comment évaluez-vous la progression des élèves ?

Gildas Hemono : On ne met pas de notes mais on a des grilles d’évaluation sur des domaines identifiés, comme la confiance en soi, l’effort et le respect de règles et de consignes. L’une des caractéristiques communes de nos jeunes est d’avoir des difficultés dans ces trois domaines.

On a des indicateurs de bien-être basé sur l’évaluation de sentiments d’apaisement et d’efforts. On est parti de l’idée des évaluations de la douleur à l’hôpital. Là, on demande aux élèves de situer leur effort sur une échelle de 0 à 10 : l’effort produit du résultat et le résultat produit de l’apaisement.

LCS : L’internat a accueilli quatre promotions de jeunes depuis 2009. Quel bilan tirez-vous ?

Gildas Hemono : Du point de vue des performances scolaires, les jeunes ne rattrapent pas leurs lacunes en un an d’internat. Par contre du point de vue de la posture et de la remise en forme, ça marche : les jeunes ressortent en capacité d’apprendre.  

La deuxième dimension du projet, c’est d’apaiser les relations. Selon une enquête de satisfaction que l’on a menée sur les trois premières années, 80% des familles disent que les relations se sont apaisées. 

LCS : Ce type de dispositif existe-t-il ailleurs ?

Gildas Hemono : À ma connaissance, non. Il faudrait que les départements soient dans des dispositifs de prévention. C’est une question de volonté politique : aujourd’hui, on est plus dans le curatif que dans le préventif. Pourtant, si on laissait déraper certains jeunes chez nous, ils pourraient coûter le double en terme de prise en charge spécialisée.

Propos recueillis par David Prochasson

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