Sur la commune de Montaigu, une centaine de Roms vit dans des logements privés. Pour le maire de cette commune, cette solution de logement ne "règlera en rien la problématique de leur intégration" (Photo : Archives LCS).
La première fois que le Canard Social est allé à la rencontre des familles Roms de Montaigu, c’était fin 2010. Une quinzaine de familles avaient en effet quitté l’agglomération nantaise pour s’installer dans des logements privés du centre de cette petite bourgade vendéenne de 5000 habitants. Cette démarche d’émancipation en quelque sorte, était apparue plutôt positive. Une manière de briser le cercle vicieux des terrains illicites et des expulsions.
Catastrophisme
Déjà à l’époque le maire MPF (Mouvement pour la France) de Montaigu Antoine Chéreau, pestait d’avoir à gérer « ce sujet délicat pour une petite ville », faisant allusion notamment aux incivilités de ces nouveaux habitants. Dans sa récente lettre ouverte (toujours lisible à la une du site de la commune de Montaigu) envoyée à Manuel Valls, ministre de l’intérieur, et Christine Taubira, ministre de la justice, il enfonce le clou avec des propos plutôt catastrophistes. Pour lui, l’État « ferme les yeux » sur des faits qu’il dit avoir constatés depuis 4 ans et qui prouvent le manque d’intégration de la centaine de Roms « sédentarisés » sur sa commune.
En cause, l’«absentéisme chronique des enfants roms » et le manque de respect « des règles fondamentales de la vie en société». Parmi les reproches énumérés par le maire, qui exige des sanctions judiciaires : « Le mépris des arrêtés de stationnement, l’occupation des trottoirs par divers matériels privés, le souillage des toilettes publiques se poursuivent à Montaigu malgré les dizaines de procès verbaux dressés. »
Progrès
Un collectif de citoyens solidaires n’a, lui, cessé de se mobiliser pour aider ces familles Roms à trouver leur place, notamment au travail, malgré les préjugés et la loi encore trop restrictive pour l’emploi des Roumains et Bulgares.
« Nous avons été surpris par la lettre du maire», confie Jean-Pierre Onno au nom de ce collectif. Les militants ne nient pas les difficultés, mais les nuancent : « Certes tout n’est pas parfait, mais il y a des améliorations et elles seraient encore plus importantes avec l’accompagnement de la mairie. »
En matière de scolarisation, « oui il y a de l’absenteisme, surtout au collège, mais on voit des progrès », assure le collectif, qui a notamment mis en place du soutien scolaire.
Concernant l’irrespect de l’espace public et des règles de vie commune, certes il y a du linge sur les trottoirs et parfois aussi quelques déchets, mais bien moins qu’au début : « Il faudra une génération pour effacer la différence de fonctionnement de vie », reconnaît René Butaud, autre militant du collectif. En matière d’ordures, le principal problème reste les factures impayées, qui s’élèveraient à un total de 10 000 euros selon le maire. Il faut dire que les familles ont des revenus dépendant essentiellement de la Caf, même si 4 pères de famille ont trouvé des CDI dans l’agro-alimentaire et plusieurs travaillent à temps partiel dans le ramassage de volailles.
Le maire s’interroge néanmoins sur « l’origine des fonds leur permettant de posséder des véhicules de grosse cylindrée, sans rapport avec les subsides qu’ils perçoivent et alors qu’ils ne payent même pas la redevance d’ordures ménagères. »
Démagogie
« Il faut du temps et de l’accompagnement », insistent les militants. Pour eux, la lettre du maire est « démagogique » et sent les élections municipales de l’an prochain : « C’est dangereux de transformer la peur en racisme politique, de chercher des boucs émissaires. »
Quand nous l’avions interrogé fin 2010, Antoine Chéreau se défendait pourtant de vouloir faire de ce dossier un enjeu politique. Sa récente prose laisse pourtant penser que quand il écrit qu’il a « du mal à faire comprendre qu’un maire, seul, mis devant le fait accompli , n’a pas les moyens de résoudre ces problèmes quotidiens », il s’adresse avant tout à ses administrés qui, selon lui le submergeraient de requêtes. Une manière de se dédouaner.
Le maire refuse les objectifs d’insertion par le logement de la circulaire gouvernementale d’août 2012. « Aujourd’hui, avec le recul que peu d’élus locaux ont sur le sujet, ma conviction est que le logement des Roms ne réglera en rien la problématique de leur intégration », coupe court le maire de Montaigu, critiquant « l’aveuglement » de ceux qui ne sont pas de son avis.
Le collectif, persuadé au contraire que le logement est bien un point de départ, aurait préféré qu’il cherche des solutions avec eux.
Armandine Penna