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Transversale du Canard Social :
Coopération, mutualisation, fusion… Où va t’on ?
Publié le 07/11/2011
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reportage

Le Canard Social organisait jeudi 3 novembre sa deuxième Transversale (*) : une matinée de débats, d’échanges et d’information autour du thème de la coopération. 130 professionnels de l’action sociale ont répondu présents au CCO à Nantes et ont participé à la table ronde plénière. Autour de la table et dans la salle : associations, services de l’État, collectivités et partenaires ont échangés leurs craintes, leurs volontés, leurs doutes et leurs analyses… 



Se rapprocher ? Oui, mais pourquoi et à quel prix ? Echanges nourris lors de la Transversale du 3 novembre entre acteurs associatifs, services de l'État, collectivités et partenaires de l'action sociale (photos: F. Lossent).

Pourquoi la question des rapprochements est-elle sur toutes les lèvres ? Tout d’abord parce que l’État, mais aussi les collectivités et parfois les partenaires financiers sont obnubilés par la rationalisation des coûts et par l’efficience ! Et bien souvent, ils tentent de convaincre qu’il y a un intérêt naturel à se rapprocher, voire à fusionner ou tout du moins à faire ensemble.

Or, les acteurs associatifs l’ont montré lors de ce débat, ils en sont plutôt convaincus sur le principe. Tous soucieux de mieux faire pour l’usager. Mais, et ce « Mais » est de taille, ces mêmes acteurs ont plutôt tendance à bloquer sur le comment, sur la forme, et sur les moyens… Leur pire crainte étant de se retrouver dépossédés de leur liberté d’action et de création.

En préambule, un contexte

Cette Transversale a ancré le débat dans un contexte que personne ne conteste, la mutualisation et plus si affinité, est  dans l’air du temps ! Mais lors du débat, État et Conseil Général 44 se sont voulus rassurants : « Ce n’est pas une idéologie, mais dans beaucoup de situations, c’est un bon outil », indiquait Gérard Mauduit, vice-président du Conseil général de Loire-Atlantique délégué aux personnes en situation de handicap. Réponse tout aussi nuancée de la part de François Grimonprez directeur de la qualité et de l’efficience à l’Agence régionale de Santé (ARS) des Pays de la Loire. « La dynamique de coopération n’est pas une fin en soi. Ça ne veut pas dire qu’on ne va pas inciter à le faire… » Des propos qui se sont voulu rassurant, mais qui, à en croire Marc Marhadour, directeur régional de la FEGAPEI et DG de l’Adapei 44 ne collent pas avec la réalité du moment: « Il faut parler aujourd’hui de contraintes politiques et administratives très fortes. Il y aurait une sorte de modèle unique : il faut vous regrouper ! ». Or, rappelait Anne Postic, directrice régionale de l’URIOPSS  « on ne découvre pas la coopération. C’est dans les gènes des associations, et à fortiori des fédérations de travailler ensemble. Ce n’est pas l’État qui tout d’un coup nous la fait découvrir, la question est de savoir comment on pousse les acteurs à coopérer ». Et Marc Marhadour de poursuivre : « je préfère l’union choisie à l’union forcée ».

Invitée à réagir, Sophie Stéphan, la responsable de la Vie coopérative à la Caisse d’Epargne Bretagne Pays de la Loire, insistait quant à elle sur le rôle stratégique des fédérations comme la FNARS ou l’URIOPSS pour accompagner de tels changements de fond. « Aujourd’hui, on a choisi de travailler avec des têtes de réseau. Il est important qu’elles aient des moyens au service de leurs membres. » Une posture qui a conduit la banque à soutenir financièrement en priorité les unions régionales plutôt que les associations elles-mêmes, même si elle lance des appels à projets innovants destinés aux acteurs de terrain.

Mutualiser, mais pour quelle bonne raison ?

La dimension économique est bien apparue en haut de la liste des bonnes raisons de faire à plusieurs. La tendance est à moins de moyens ou en tout cas aux moyens constants,  alors pour Gérard Mauduit, on n’a souvent pas le choix : « Lorsque les budgets sont de plus en plus serrés, je préfère qu’en terme de logistique, on mutualise plutôt que de réduire du personnel en lien direct avec l’usager », confie l’élu du CG 44. Lancé début 2011, le GIAC des Pays de la Loire, un groupement de cinq associations du champ du handicap, a par exemple obtenu des économies substantielles : - 10 % pour les frais de restauration, jusqu’à - 36 % sur l’achat de véhicules, des réductions importantes également sur des contrats d’assurances. Mais au final, ces économies de l’ordre de 80 000 euros par an, ne représentent qu’une part très réduite du budget total de 20 millions d’euros du groupement…

Mutualiser pour mieux faire

L’angle économique ne justifiant pas tout, il y a un autre argument en faveur des rapprochements : améliorer le service rendu aux usagers. C’est de ce principe qu’est née, dans la Sarthe, la fusion de plusieurs associations de lutte contre l’exclusion, aujourd’hui incarnée par une nouvelle structure : Tarmac. Guy Husson en est le vice-président : « Notre démarche est citoyenne, notre objectif premier, était : comment rendre le parcours des gens en difficulté plus fluide. » Une meilleure prise en charge des usagers, les instigateurs des appels à projet en font même leur argument principal. « La dynamique de coopération reste un moyen au service d’un objectif : ensemble, il y aura des possibilités de mutualiser une expertise », insiste François Grimonprez de l’ARS. Alors si tout le monde est d’accord, où le bât blesse-t-il ? Sans doute dans la méthode des services de l’État pour dispatcher leurs financements. Les appels à projets ont largement été montrés du doigts par les acteurs associatifs qui n’y trouvent pas toujours leur place, les « petits » s’en sentant exclus.

Quid de l’innovation sociale ?

 Et surtout, les associations craignent que ces méthodes empêchent toute innovation sociale. Ce fut un point de débat important de cette Transversale : liberté associative et innovation sociale sont-elles encore encouragées ? Pour Marc Marhadour « Il y a un risque d’uniformisation des projets associatifs. » Or, « qui mieux qu’une association peut remonter les besoins sociaux ? » interrogeait Anne Postic, confortée par Jacqueline Cadiot, la présidente de SOS Femmes 44 : « Tous les jours, on est dans la créativité pour gérer l’urgence. Et ce n’est pas parce qu’on est petit, qu’on est cher et qu’on fonctionne mal. »

L’autre élément de discorde qui ressort du débat, c’est : jusqu’où va la logique de coopération voulue par les financeurs publics ? En d’autres termes, l’État et les collectivités locales peuvent ils, et veulent ils réellement, mieux coopérer avec les opérateurs associatifs ? Anne Postic de l’URIOPSS, en porte voix de ses adhérents, revendique pour les associations « un rôle de coopérateur » et non de « simple opérateur. » Quant à Guy Husson, de l’association Tarmac, il est en plein doute. Lui qui s’est senti malmené après avoir vu l’État réduire les financements de sa structure alors qu’il avait joué le jeu des rapprochements. « Doit-on continuer à militer alors que le carcan est de plus en plus contraint ? L’État préconise des choses dont il n’assume pas les moyens. On beaucoup de mal à trouver des administrateurs bénévoles. Si on continue comme ça, il n’y aura plus d’associations. »

Un débat qui en appelle d’autres

Ce débat initié par le Canard Social a permis aux acteurs concernés de se parler librement. Les services de l’État présents (outre l’ARS représentée en table rode, le directeur de la DDCS 44 était aussi dans la salle) ont réentendu les inquiétudes des responsables associatifs, comme ils ont pu réentendre leur attachement au rôle des associations dans la société et leur envie, malgré les difficultés du moment très lourdes, d’avancer et de chercher à toujours mieux accompagner les publics.

De ce débat ont aussi émergées des interrogations fondamentales liées au fonctionnement associatif en lui même : la gouvernance et ses dysfonctionnements, la mixité et ses faiblesses, le militantisme entravé par toujours plus de nouvelles contraintes techniques, la peur de certains de ne devenir que de simples prestataires. Sans oublier les craintes exprimées par le public : Jacques Stern, président de la Chambre régionale de l’économie sociale et solidaire (CRESS), par exemple, appelant à plus de concertation en amont entre collectivités, services de l’état et associations dans l’élaboration des appels à projet.

Autant de thèmes qui à eux seuls pourraient faire l’objet d’une prochaine Transversale en 2012…

La Rédaction du Canard Social

(*) Cette Transversale était organisée avec le soutien de la Caisse d’Épargne Bretagne Pays de la Loire et du Conseil général de Loire-Atlantique.
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