Béatrice Pavy, députée UMP de la Sarthe.
Le Canard Social : Ces derniers mois, des associations alertent l’opinion publique et les services de l’Etat sur les conditions d’accueil des demandeurs d’asile en parlant de moyens très insuffisants. Vous faîtes le même constat ?
Béatrice Pavy : L’accueil des demandeurs d’asile peut ne pas être entièrement satisfaisant parce qu’il est extrêmement difficile d’évaluer le nombre de demandes. Par exemple, en 2007, nous avions enregistré une baisse de 30 %. Puis, cela a commencé à remonter en 2008 avec + 19 %. D’après nos chiffres, sur le seul 1er semestre de l’année 2009, les demandes étaient en hausse de 16 %. Ces dernières hausses s’expliquent tant par le problème des conflits internationaux que par la mise en place de réseaux, même s’il y a de gros efforts pour les démanteler.
LCS : Quels moyens se donne l’Etat pour faire face à la situation ?
Béatrice Pavy : Sur le plan budgétaire, les moyens sont considérablement accrus. Aujourd’hui, l’accueil des demandeurs d’asile représente une grande partie du budget du ministère de l’immigration, 62 % précisément, soit 350 millions d’euros. En 2001, la France disposait de 5 282 places en CADA (Centre d'Accueil des Demandeurs d'Asile) . Aujourd’hui, nous en sommes à 20 410 places sur 271 centres d’accueil. Et pour 2010, nous avons budgété 1 000 places supplémentaires dans le dispositif national.
LCS : Est-ce vraiment suffisant ?
Béatrice Pavy : Je ne vais pas dire que c’est forcément suffisant parce qu’on a affaire, encore une fois, à une forte recrudescence des demandes d’asile. Et il y a un autre phénomène : au niveau des CADA, 10 % des places sont occupées par des personnes qui ne devraient pas être là. Ce sont notamment des personnes déboutées du droit d’asile, et pour lesquelles il n’y a pas de solution de logement. A ce propos, j’incite l’ensemble des partenaires, y compris le ministère du logement, à trouver des solutions.
LCS : A cause de la saturation des capacités d’accueil des CADA, des demandeurs d’asile sont logés en urgence en hôtel, d’autres se retournent vers le 115, et faute de solution d’hébergement certains se retrouvent « à la rue »… On voit bien que l’Etat ne respecte pas ses obligations.
Béatrice Pavy : Je voudrais redire ici que les conditions d’accueil en CADA sont vraiment très correctes, j’en ai visité plusieurs récemment. Les demandeurs ne sont pas laissés à l’abandon, ils sont vraiment accompagnés. Et c’est vrai que l’on préfère voir ces personnes accompagnées à l’intérieur des centres plutôt que d’être livrées à elles mêmes à l’extérieur. Maintenant, pour ceux qui arrivent dans les CADA où il n’y a plus de place, la seule solution c’est l’hébergement d’urgence. Ce sont des réponses au cas par cas. On voit bien que des régions comme l’Alsace, l’Ile de France, PACA ou Lyon sont plus touchées que d’autres. Et sur l’hébergement d’urgence, nous avons malheureusement des crédits sous dotés, et j’ai alerté sur cette sous-budgétisation chronique. En attendant, le rôle des CADA serait de travailler avec d’autres partenaires pour trouver des solutions. Je suis députée de la Sarthe, et quand je vois qu’on manque de solutions de logement pour des demandeurs d’asile alors qu’en même temps il y a des logements vacants dans le secteur social de mon département, effectivement, il y a un problème.
LCS : Les solutions d’hébergement d’urgence sont non seulement coûteuses mais également pas adaptées pour le suivi des demandeurs.
Béatrice Pavy : Oui, on voit bien les situations de détresse des personnes qui sont hébergées en hôtel ou parfois en chambre d’hôpital… Non seulement, cela coûte et coûtaient une fortune, mais en plus, les personnes n’étaient pas bien accompagnées. C’est bien pour cette raison qu’on a créé plus de places en CADA.
LCS : Avec le recul, la régionalisation des demandes d’asile est-elle selon vous une bonne chose ? Les associations accusent cette nouvelle approche de concentrer les nouveaux arrivants aux abords des agglomérations comme Nantes ou Angers…
Béatrice Pavy : La régionalisation permet d’avoir une meilleure connaissance des dossiers. Le problème auparavant, c’est que les demandeurs d’asile passaient de préfecture en préfecture pour faire différentes demandes. Aujourd’hui, les plate-formes régionales permettent d’avoir un meilleur suivi, une meilleure gestion. Cela ne contribue pas comme on peut l’entendre à compliquer la situation. Une fois la demande déposée, les personnes peuvent se rendre dans un des CADA de la région, elles ne sont pas obligées de rester sur un lieu unique.
LCS : La France a engagé un travail au niveau européen autour de la prise en compte des demandeurs d’asile. Quels en sont les enjeux ?
Béatrice Pavy : La première étape c’est la mise en place d’un système d’information européen sur les visas pour que l’on soit plus vigilant, pour avoir plus de fiabilité, car aujourd’hui des personnes viennent en Europe avec des visas de touriste de 3 mois et s’évaporent dans la nature. Il faut donc encadrer d’avantage l’attribution des visas. Et puis, de plus en plus de pays, comme la France ou l’Italie, étant confrontés au problème des migrants, nous travaillons à la mise en place d’une procédure de demande d’asile unique d’ici 2014. Il faut que les demandes soient traitées de la même façon partout en Europe. Aujourd’hui, les demandeurs d’asile qui arrivent en Pologne n’accèdent pas aux mêmes droits qu’en France où nous proposons la couverture médicale, l’allocation temporaire, une aide juridictionnelle… Tout ceci crée des appels d’air chez nous et c’est pour cela qu’il faut mettre en place les mêmes procédures et les mêmes couvertures partout.
LCS : Quand vous entendez des militants associatifs dénoncer une politique qui se durcit à l’égard des demandeurs d’asile, vous leur répondez quoi ?
Béatrice Pavy : Quand j’entends dire que la France n’est plus une terre d’asile, ce n’est pas vrai, la France reste une terre d’asile. Mais on ne peut pas accueillir tout le monde surtout quand une partie de notre population se retrouve elle même en grande difficulté avec la crise. Avec les efforts menés ces dernières années, nous encadrons plus les demandes, mais nous restons ouverts, tout en restant fermes sur l’immigration illégale.
Propos recueillis par Frédéric Lossent