Marc bernier, député (UMP) de Mayenne.
Le Canard social : Que pensez vous de cette mobilisation des ADAPEI ?
Marc Bernier : Cette action de sensibilisation est très positive, car c’est bien tout l’enjeu de la question du handicap mental de permettre une meilleur connaissance, pour un meilleur accompagnement et une meilleure intégration. La mobilisation des associations et des familles est donc très importante pour mettre en avant l’image des personnes handicapées mentales qu’on refuse de voir.
LCS : Quels sont selon vous les principaux freins à une meilleure intégration sociale des handicapés mentaux ?
Marc Bernier : Sans aucun doute le regard des autres et la crainte de tous ceux qui ne sont pas en contact avec les personnes handicapées mentales. Les sondages le montrent : il y a un sentiment de gêne à l’égard des handicapés mentaux, notamment chez les personnes d’un certain âge. Par contre, les jeunes sont plus «tolérants». La loi du 11 février 2005, pour «l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées» encourage le «vivre ensemble». La scolarisation en milieu ordinaire, quand elle est possible, est bénéfique pour tout le monde : non seulement pour l’enfant handicapé et ses parents, mais aussi pour les autres élèves. Il faut décloisonner. C’est la même chose au niveau de l’entreprise et de l’administration, mais les quotas ne sont pas respectés.
LCS : Justement, cette loi de 2005 a-t-elle eu plus qu’un effet d’annonce ?
Non, cette loi n’a pas qu’un effet d’annonce. Certes c’est une grande loi, pas facile à appliquer, avec des objectifs pour 2015. Elle parle de tous les handicaps, et donne 10 ans aux collectivités pour l’appliquer. Nous sommes donc à mi-parcours, au niveau du Parlement nous avons fait un premier bilan, qui sert de piqûre de rappel. Je suis intervenu en tant que rapporteur pour avis sur le budget de la culture, pour faire un état des lieux des applications de la loi de 2005. J’ai centré mon rapport sur l’accès des handicapés moteurs mais aussi mentaux aux monuments historiques, publics et privés. On voit qu’on a perdu un peu de temps. Un certain nombre de collectivités n’ont pas fait le nécessaire, et les applications sont surtout focalisées sur le handicap moteur.
LCS : Le handicap mental est-il moins pris en compte par les pouvoirs publics que le handicap moteur ?
Marc Bernier : Bien sûr ! Pour mon rapport pour avis sur le budget de la culture, j’ai auditionné l’APF (Association des paralysés de France) et toutes les organisations en rapport avec le handicap. Je me suis rendu compte que lorsqu’on parle handicap, on parle surtout moteur et fauteuil roulant, en étant un peu schématique. Alors que le handicap est multiple : handicapés physiques mais aussi mentaux, mal voyants, mal entendants…Et puis il faut faire attention à bien distinguer handicap mental et maladie mentale.
LCS : La question du handicap mental est-elle souvent traitée au parlement ?
Marc Bernier : Elle l’a été dans le cadre de la loi de 2005, qui a déjà 5 ans. J’ai aussi eu l’occasion de parler du handicap mental dans le cadre d’un autre sujet qui me tient à cœur : la loi HPST (« Hôpital, Patients, Santé, et Territoires ») dite loi Bachelot. Je suis personnellement beaucoup intervenu sur la question de l’inégalité dans l’accès aux soins sur le territoire, ce qui est aussi vrai à l’échelle des Pays de la Loire. Dans le cadre des Agences Régionales de Santé, en place depuis le 1er avril, on développe les maisons de santé pluridisciplinaire, pour essayer de répondre à la demande de spécialistes à l’écart des grands pôles urbains. Cela concerne le problème de la prise en charge du handicap mental et des pathologies associées.
Au sein du groupe d’études « intégration des personnes fragilisées et handicapées » dont je suis membre, ça fait partie de nos missions de faire des propositions. Mais concernant la question spécifique de la visibilité des handicapés mentaux, rien n’est en cours à notre niveau.
LCS : Quelles sont les réponses politiques possibles, notamment en terme de loi ?
Marc Bernier : Tout ne passe pas par la loi. Il faut une certaine volonté politique locale. C’est pourquoi c’est important pour moi d’être aussi membre du Conseil Général de Mayenne, cela permet de suivre les applications du texte sur le terrain, de corriger certaines imperfections. Il est indispensable de développer des partenariats entre le Conseil Général, l’Etat et les associations de familles comme l’ADAPEI 53. Au niveau de ma circonscription du sud Mayenne, un travail en synergie nous a permis d’inaugurer en février dernier à Château-Gontier une unité spécifique pour accueillir 40 personnes atteinte d’autisme ou autres troubles envahissants du comportement. Je crois aussi qu’il faut développer des partenariats entre le public et le privé, comme dans tous les domaines. J’ai récemment reçu la fondation privée FondaMentale (soutien à la recherche scientifique en santé mentale). Dans la recherche, 2 % seulement des financements publics sont consacrés à la santé mentale. Ces partenariats peuvent donc faire avancer les choses. Par exemple pour réponde à un problème important que nous avons constaté dans ma circonscription du sud Mayenne : le manque d’infrastructures d’accueil, notamment pour les handicapés vieillissant qui sont de plus en plus nombreux grâce aux progrès de la médecine.
LCS : Concernant les actions concrètes sur le terrain pour permettre une meilleure accessibilité des personnes handicapées mentales, que pensez-vous du Pictogramme S3A (équivalent pour le handicap moteur du symbole du fauteuil roulant des handicapés moteurs) ?
Marc Bernier : Ce pictogramme indiquant que le personnel est formé à l’accueil des personnes handicapés mentales est une bonne initiative de l’UNAPEI. Mais il date de 2000, et lors de mon audition récente pour le budget de la culture, je n’en ai pas vu beaucoup sur les monuments. En revanche, sans vouloir faire de la publicité, à Disneyland, il y a des accompagnateurs spécialisés. Cet accueil est probablement inspiré du Canada et des pays scandinaves, qui sont en avance sur nous.
C’est un problème de formation du personnel. Tout ce qui concerne la formation professionnelle est de la compétence de la Région… Il faut déjà faire savoir que ce pictogramme existe, pour qu’il se développe dans les grandes administrations, les établissements publics, l’hôtellerie, etc.
En tant que député, on ne fait que ça, «faire remonter» au niveau du Parlement, au niveau des ministères. En plus je suis dans la majorité donc j’ai plus de chance d’être écouté. Mais tout ça est une question de gros sous, c’est le nerf de la guerre. Malheureusement, le budget n’est pas extensible et des choix sont faits.
Propos recueillis par Armandine Penna