S'identifier


Mot de pase oublié ?
s'abonner
Professionnels, structures, particuliers
Abonnez-vous!
Les banques alimentaires dénoncent le rationnement de l’UE
Publié le 20/06/2011
partage

tags
analyse

Les banques alimentaires alertent sur l’avenir du PEAD, le Programme européen d’aide alimentaire aux démunis, qui leur fournit un tiers des denrées redistribuées. Suite à une décision de la cour européenne, elles redoutent une baisse des approvisionnements. En France, 200 000 personnes pourraient ainsi être privées d’une aide alimentaire. Explications.



Dans les banques alimentaires, 32 % des denrées viennent de l’UE. Jusqu’à quand ? (photo : A. Penna)

« C’est un gros, gros sujet d’inquiétude », lâche au téléphone Gilles Sochard, président de la banque alimentaire de la Sarthe, à peine descendu du TGV qui le ramène de Paris. Comme la plupart des présidents des banque alimentaire de France, il s’est rendu les 15 et 16 juin à la grande AG fédérale, cette année cristallisée sur la préoccupation du moment : l’avenir du PEAD (Programme européen d’aide alimentaire aux démunis), auquel adhèrent la France et 17 autres États membres de l’UE.

Le règlement de ce PEAD, permet de répartir, sous forme d’aide alimentaire, des excédents agricoles de la Politique agricole commune (PAC), principalement des produits secs comme les céréales. Problème : depuis plusieurs années, les excédents sont insuffisants alors l’UE compense en achetant sur le marché les denrées alimentaires nécessaires, ce qui fait monter la facture. Le 13 avril dernier, interpellée par certains États (Allemagne en tête), la Cour Européenne de justice a dit en substance : stop, ça ne peut pas continuer comme ça, il ne faut pas outrepasser le règlement. « Or en 2012 les excédents agricoles s’annoncent encore plus faibles, un cinquième de ceux de 2011 ! », s’exclame Franck Bonduelle, président de la Banque alimentaire de Loire-Atlantique.

Trop de tonnes en moins

Si le manque d’excédents n’est pas compensé par des achats, c’est une énorme part de l’approvisionnement des banques alimentaires qui va faire défaut. Même si les banques alimentaires de France sont moins dépendantes que d’autres puisque la part de l’approvisionnement venue du PEAD ne représente que 32 % en moyenne du total des approvisionnements, alors que dans les 18 États membres concernés la moyenne monte à 50 %... et jusqu’à 90 % pour la Pologne. La banque alimentaire de Sarthe, par exemple, est bien dans la moyenne française avec 32 % des stocks venus du PEAD soient 240 tonnes. « Si la menace était confirmée demain, on perdrait 180 tonnes », explique Gilles Sochard, son président.

La banque alimentaire de Vendée est elle plus préservée avec  une part limitée à 11 %, soit 130 tonnes sur les 1320 distribuées en 2010. Un petit pourcentage qui s’explique par le faible coefficient de répartition attribué aux zones rurales, mais qui devrait être revu à la hausse l’an prochain pour prendre en compte la précarisation des campagnes. Mais André Retailleau, président de la banque alimentaire 85 précise : « Cela ne nous n’empêche pas d’être concernés par le jeu de la mobilisation ».

Revoir le règlement

Pour préserver les quelques 500 millions d’euros nécessaires chaque année à garantir le PEAD, les banques alimentaires se mobilisent en effet pour réclamer une révision du règlement. Essentiellement afin que la compensation financière du manque d’excédents agricoles soit possible. Le Parlement européen a déjà déposé une proposition dans ce sens, retoquée par une minorité de blocage (Allemagne, Royaume Uni, Autriche, Tchéquie, Suède, Danemark). Raison invoquée : le système actuel ponctionne les fonds européens mais il appelle aussi une participation financières des États membres. « Ces 500 millions d’euros  ne représentent que 1 % du budget global de la PAC, précise Maurice Masson, président de la banque alimentaire de Mayenne, « ce n’est pas grand chose mais cela permet d’apporter de l’aide alimentaire à 13 millions d’Européens et à 3900 personnes (environ 1000 familles ) en Mayenne . »

Lobbying

« C’est compliqué car il y a des résistances, d’où l’importance du lobbying », insiste Franck Bonduelle. A Paris, les présidents se sont rendus ensemble à la délégation française de la Commission européenne. Ils ont  remis une lettre ouverte à transmettre à José Manuel Barroso. Dans ce courrier, ils l’enjoignent d’intercéder auprès des États pour défendre un nouveau règlement qui « permettrait de pérenniser le PEAD et de lui redonner une dimension qui préserverait les moyens de notre action ».  Localement, dans les Pays de la Loire comme dans tous les recoins des 19 États membres, les président des banques alimentaires écrivent aussi à leurs parlementaires de circonscription (ainsi qu’aux députés européens) afin qu’ils interpellent le gouvernement et particulièrement le ministère de l’agriculture.

Et si le Conseil européen des ministres de l’agriculture n’accepte pas de revoir le règlement du PEAD ? « C’est la panique à bord », assure avec pessimisme Franck Bonduelle, de la banque alimentaire 44. La seule solution est d’augmenter les autres sources d’approvisionnements : ramasse dans les hypermarchés, accord avec l’industrie agroalimentaire et collectes auprès des particuliers. «  Mais vu les efforts qu’on faits déjà dans ce sens et vu le contexte, on arrivera jamais à compenser ». « C’est clair, on aura forcément moins à distribuer à chaque bénéficiaire », conclut lui aussi Gilles Sochard, président de la banque alimentaire 72. Dans sa lettre ouverte, la fédération des banques alimentaires estime que la baisse prévue de 400 millions d’euros du budget du PEAD pour 2012 entrainera pour tous les bénéficiaires « un appauvrissement de la qualité nutritionnelle fournie » et privera in fine plus de 200 000 Français sur les 750 000 bénéficiaires des banques alimentaires.  Sans compter tous les usagers des Restos du cœur, de la Croix rouge ou du Secours populaire.

Armandine Penna

newsletter
facebook