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L'errance estivale d'une famille
de demandeurs d'asile
Publié le 18/07/2012
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entretien
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solidarité

C’est l’histoire malheureusement assez banale d’une famille de demandeurs d’asile. Une famille qui se retrouve sans solution d’hébergement d’urgence malgré de nombreux signalements. Et qui n’aura pas de place d’accueil dédiée aux demandeurs d’asile avant au moins un mois, vus les délais de la procédure en cette période de vacances. Guiorgui, Tamara et leurs deux enfants de 5 ans et 1 an, arrivés de Géorgie le 15 juin dernier étaient commerçants et propriétaires de leur logement. Aujourd’hui, ils ne s’en sortent que grâce à la solidarité de militants nantais. Témoignage emblématique, sur les conditions d’accueil de « primo demandeurs » en été.



Cette famille d'origine géorgienne prend son mal en patience dans le parc du château. Arrivée à Nantes depuis le 15 juin, elle n'a pour l'instant jamais été accueillie dans une structure d'hébergement (photo : A. Penna)

Le Canard social : Pourquoi être venus en France et à Nantes ?

Guiorgui et Tamara : Nous avons quitté notre pays pour des raisons politiques et c’est notre passeur qui nous a orientés vers Nantes. Quant à venir en France, ça nous paraît normal pour nous Géorgiens. Depuis très longtemps, à l’époque encore soviétique, quand quelqu’un a un problème en Géorgie, il pense directement à aller se réfugier en France, pays d’asile et d’accueil.

LCS : Mais depuis que vous êtes arrivés, vous êtes ballotés, sans vraie solution d’hébergement. Vous n’êtes pas trop déçus par rapport à ce que vous imaginiez ?

Guiorgui et Tamara : Non au contraire. Depuis notre arrivée, tout le monde nous aide, le Secours catholique, la Cimade, les Restos du cœur… et même quand on demande quelque chose à un simple passant, il nous renseigne comme il faut et avec le sourire. Nous avons rencontré plein de gens très intéressants et avons tissé des liens d’amitié. Le seul problème, c’est le logement et les ressources financières.


Le Secours Catholique de Nantes multiplie les signalements auprès des autorités compétentes. Son local est un refuge où la famille peut se poser et être écoutée. (photo: A. Penna)

LCS : Que vous a-t-on dit pour expliquer le fait qu’on a rien à vous proposer ?

Guiorgui et Tamara : On nous a expliqué qu’en été il y a moins d’hébergement pour les personnes sans-abri. Quand on appelle le 115, on nous dit qu’il n’y a pas de place pour une famille entière. Mais nous on veut bien un seul lit ! Moralement, c’est dur. Parfois on nous dit, rappelez demain, il y aura peut être quelque chose, et le lendemain quand on rappelle, on nous dit qu’il n’y a rien. Le 115 nous dit de demander à Aïda et Aïda au 115. On passe de l’espoir au désespoir.

LCS : Comment vous vous débrouillez ?

Guiorgui et Tamara : Les 7 premiers jours ont été les pires. Nous sommes arrivés un week-end, tout était fermé : ça nous a fait drôle venant de Géorgie où tout est ouvert 7 jours sur 7. Pendant ces premiers jours, on a dormi à la rue ou plutôt en se cherchant des abris : dans des abribus, puis aux urgences de l'hôpital, assis sur des chaises en métal et aussi à la gare. Les enfants arrivaient à dormir mais nous pas vraiment. Le jour quand il faisait beau, on restait sur la pelouse du château. Et dès qu’il se mettait à pleuvoir, on courait vers le tramway. Aïda nous a donné une carte de transport. On fait des aller-retours entre les terminus. Une fois, on a passé toute la journée dans un centre commercial, à flâner comme si on était des clients en visite.

LCS : Et après cette première semaine ?

Guiorgui et Tamara : Ensuite, des personnes nous ont accueillis chez elles à tour de rôle. Ils font ce geste de solidarité en leur nom propre et non au nom d’une association. Cela nous permet de nous poser, de cuisiner. Depuis quelques jours nous sommes chez une dame très sympa, mais elle va partir en vacances. Et nous nous serons de retour à la case départ.

LCS : Vous êtes donc inquiets…

Guiorgui et Tamara : Tous les souvenirs des premiers jours reviennent… nous n’étions pas très bien et les enfants malades. On est allé consulter à la PASS (ndlr : Permanence d’accès aux soins de santé). L’idée de se retrouver de nouveau dans la rue sans rien, c’est le stress, comme un traumatisme qui revient. On peut toujours aller aux urgences à partir de 8 heures du soir, mais la journée, il va falloir encore attendre comme on peut. Et puis on a plus d’affaires qu’avant à transporter, avec les habits qu’on nous a donnés.


Quand il pleut, la famille fait des aller et retours dans le tramway (photo : A. Penna).

LCS : Quelles sont vos perspectives ?

Guiorgui et Tamara : Nous avons eu notre rendez-vous officiel chez Aïda le 6 juillet. Notre rendez-vous à la préfecture (ndlr : pour obtenir le récépissé de la demande d’asile) n’aura lieu que le 20 août. Il va falloir tenir d’ici là. Nos sentiments sont partagés. D’un côté il y a ceux qui nous aident au maximum - les associations - et de l’autre, ceux qui nous éloignent le plus possible - l’administration. On sait que ces association ne peuvent fonctionner sans l’aide de l’État et on ne comprend pas pourquoi il n’y a pas plus de pont entre les deux. On voudrait aussi apprendre le français, on sait que c’est très important, mais les cours de français ne commencent qu’en septembre.

On va essayer de tenir jusqu’au 20 août, on est concentré sur cette perspective. Mais s’il ne se passe rien à cette date, on risque de devenir fous !

Propos recueillis par Armandine Penna

Mise à jour du 25 juillet 2012: Guiorgui, Tamara et leurs deux enfants ont obtenu un logement. Depuis le 23 juillet, ils résident dans un hôtel à Sainte-Luce-sur-Loire.
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