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Du cheval pour les pauvres, une idée
à consommer avec modération
Publié le 04/03/2013
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Actualité
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Les stocks de viande de cheval, retirés du marché pour défaut d’étiquetage, pourraient être redistribués aux associations caritatives. L’idée, qui devra être validée par les analyses sanitaires, pose des questions éthiques autant qu’elles révèlent des problèmes de logistique et de coût. Qui pourraient tout simplement mettre un terme au débat.



Des stocks de steak de viande de boeuf, à Nantes, au centre Dalby des Restos du Cœur (photo D. Prochasson).

Dans la file d'attente des Restos du Coeur, à Nantes, la pilule a du mal à passer. « C'est un peu nous prendre pour des cons, argumente Dominique, 54 ans. Ceux qui peuvent payer, on leur retire les produits que personne ne veut. Et nous, on subit. » Pour de nombreux bénéficiaires de l'aide alimentaire, l'impression domine, qu'après le scandale de la viande de cheval, l'industrie agro-alimentaire, s'achète une bonne conscience auprès des personnes précaires. « C’est un peu glauque et dégoûtant cette manière de donner aux laissés pour compte », tranche Marie, 49 ans.

Contre le gaspillage alimentaire

En fin de semaine dernière, le ministre de la Consommation, Benoit Hamon, a donné son feu vert pour que les associations récupèrent, si elles le souhaitent, les stocks de viande retirés du marché. L'idée permettrait d’éviter de jeter d’énormes quantités de nourriture. C’est l’avis de la plupart des associations caritatives, qui font de la lutte contre le gaspillage, leur combat quotidien. C’est aussi l’avis d’un jeune couple de bénéficiaire de l'aide alimentaire : « Il y a des gens qui crèvent de faim, ce serait dommage de gâcher tous ces plats. Au moins, on aura à manger. »

Une bonne initiative sur le papier. Mais, dans les faits, rien n’est encore joué. Il faudra, avant tout, attendre les résultats définitifs des analyses sanitaires pour envisager une telle idée. « On a besoin de garanties sur le respect de la chaîne du froid, souligne Virginie Bertin, directrice du Secours populaire en Pays de la Loire. Et plus on tardera à se décider, plus on se rapprochera des dates limites de consommation. »

Des coûts à intégrer

Le conditionnel reste donc de rigueur. Mais si l'idée venait à se concrétiser, c'est toute une logistique qu'il faudrait envisager. « Le gros souci, ce sont les conditions de transports particulières du surgelé et leur stockage. Tout cela a un coût », met ainsi en garde Pierre Jaffres, président de la Banque alimentaire du Maine-et-Loire.

En matière de stockage, Stéphanie Cordeiro, la présidente des Restos du Cœur en Loire-Atlantique, relativise. « On est en fin de campagne hivernale, on a de la place dans les frigos et cela ne devrait pas impliquer de surcoût. »

Quoi qu’il arrive, les associations n’accepteront qu’une quantité raisonnable de produits. « On ne peut pas inonder nos centres de distributions de surgelés et arrêter le reste », souligne Virginie Bertin, au Secours Populaire. 

Discrimination alimentaire

Les Restos du cœur précisent bien que les personnes devront être informées de la présence de viande de cheval, grâce à un réétiquetage des produits. « Bien entendu, elles seront autorisées à refuser ce type d’aliments, tout comme elles peuvent le faire avec l’ensemble des produits distribués. »

Au-delà des questions pratiques et de la qualité intrinsèque des marchandises, c’est surtout l’éthique qui gêne nombre de responsables associatifs et de bénéficiaires. « Ça me gène, annonce Stéphanie Cordeiro aux Restos. Si ces produits sont sains, pourquoi ne pas les remettre en vente, quitte à les vendre moins cher ? »

Des propos partagés par la Fnars qui parle de « discrimination alimentaire » et alerte sur le symbole que sous-tend une telle décision. « Le gouvernement véhicule avec cette proposition l’image d’une catégorie de population de seconde zone. Si l’on estime nécessaire de retirer du circuit alimentaire une catégorie de produit, le principe d’égalité impose que cette mesure protège tout le monde, sans exception. »

Au Secours Populaire, Virginie Bertin relativise. « Récupérer des produits de l'industrie agro-alimentaire, qu'il s'agisse de marchandise test, de fin de séries, c'est ce qu'on fait toute l'année. Forcément, on n'a pas toujours le choix dans les produits. »  

Carlotti rencontre les associations

Mardi 5 mars, Marie-Arlette Carlotti, la ministre déléguée à la Lutte contre l'exclusion, rencontrera les quatre principales associations d'aide alimentaire (La Croix Rouge, le Secours Populaire, les Restos du Cœur et la Fédération des Banques alimentaires) pour discuter de l'opportunité de récupérer ces produits. « Si un consensus est trouvé et que l'absence totale de risque sanitaire est avérée, il serait inutile d'ajouter le gaspillage à la fraude », considère la ministre.

Bonne ou mauvaise idée, redistribuer la viande de cheval ne sera de toute façon qu'une goutte d'eau dans les besoins des associations. Loin de compenser les pertes annoncées des programmes européens d'aide alimentaire.

David Prochasson

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