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L’Adar fait le pari du cinéma
pour communiquer autrement
Publié le 24/04/2013
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Scopic

Pour ses 40 ans, l’Adar s’est offert un film de fiction, une démarche rarissime dans le secteur de l’aide à domicile. Cette association de Loire-Atlantique a fait réaliser un court métrage pour battre en brèche les idées reçues sur le métier. Et pour se distinguer des sociétés purement commerciales.



Le réalisateur Sébastien Marqué lors du tournage du film "Cœur à domicile" (photo : Scopic)

Ça commence comme un mauvais feuilleton. « C’est l’heure de votre somnifère », lance une jeune femme en blouse à une mamie allongée dans un lit. L’aide à domicile a l’air superficielle et pas très futée. Elle s’adresse à Irène, la mamie, sur un ton infantilisant : « Aurélie, elle va écraser le cachet dans la compote. La bonne compote qu’Irène est obligée de manger parce qu’elle ne veut pas mettre son dentier ».

Ça commence comme un mauvais feuilleton mais ça n’ira pas plus loin. La séquence est interrompue par un « Coupez ! » aux accents très cinématographiques. La caméra recule pour dévoiler une équipe de tournage en plein travail : une maquilleuse, un preneur de son, un réalisateur, des assistants. La mise en abîme sert ici de fil rouge au film de l’Adar.

Les préjugés, tournés en dérision

Concrètement, on observe pendant 15 minutes une équipe chargée de tourner le film de commande. Avec ses hésitations : 10 prises pour la scène du repas. Et avec ses remarques à désobligeantes : « C’est pourtant pas bien compliqué comme métier, aide à domicile ». Le court-métrage intitulé « Cœur à domicile » s’appuie sur les stéréotypes qui entourent les aides à domicile. Un prétexte pour valoriser à la fois le métier et défendre les valeurs d’une association.

Pour ses 40 ans, l’Adar (2100 salariés qui agissent auprès de 21 000 personnes en Loire-Atlantique) avait décidé de faire réaliser un film mais sans trop savoir comment. « Au départ, on voulait montrer ce qu’on fait et ce qu’est devenue l’association depuis 1973 à travers des interviews et du reportage», glisse Jean-Yves Morice le directeur général. Mais on a vite estimé que la forme classique pouvait être un peu rébarbative. »

Le cinéma, pour marquer les esprits

En fait, l’association s’est laissée convaincre par l’agence de communication nantaise Scopic qui a proposé de faire un choix singulier pour se différencier : un court-métrage de fiction. « L’outil vidéo informe, il fait le job mais il ne marque pas les esprits, glisse Séverine Kuter, chef de projet chez Scopic. Une fiction, c’est vrai que c’est audacieux. Mais ça paye toujours parce qu’on atteint un objectif de communication qui est tout autre : un film provoque des réactions et marque durablement. »



En soi, la fabrication du film a été un mini événement en interne. Car pour le scénario, c’est le principe de l’écriture participative qui a été retenue. Se sont retrouvés autour de la même table, des communicants, un sociologue, le réalisateur, des salariés, des administrateurs et des cadres de l’Adar. « On s’est mis en mode « brainstorming pour obtenir quelque chose de vrai et de sincère », confie Séverine Kuter.

Le groupe de travail a ainsi balayé toutes les idées reçues sur les aides à domicile. Par exemple, « Elles servent à faire le ménage et rien d’autre », « Ce sont des expertes en repassage, elles font ça mieux que personne » ou encore « C’est pas très bien payé et c’est du temps partiel ».

Et puis, des entretiens avec des intervenantes ont permis d’alimenter les dialogues du film avec du vécu. À l’écran, une certaine Sophie raconte son métier ainsi : « Je ne sais pas si je fais toujours bien avec les gens que je vais voir… Je ne crois pas même. Mais je fais ce que je peux avec ce que je suis, ce que j’ai appris. (…) Faut dire qu’avec les personnes que je vais voir, il se passe des choses. Parfois, ça va tout seul. Parfois, c’est beaucoup plus difficile. » Le cœur du sujet de « Cœur à domicile » est ici : montrer l’importance de l’humain et des relations au-delà des compétences techniques.

Le second degré a parfois du mal à passer

Avec son choix audacieux, l’Adar semble marquer des points. « Lors des premières projections en réunion publique, nous avons eu des réactions positives, souligne le président de l’association Jacques Le Creff. Comme ce type de film n’est pas fréquent, il ne laisse pas indifférent. » Oui, mais voilà : l’ironie et le second degré ne passe par toujours.

Sur la page Facebook de l’Adar, des aides à domicile y vont de leurs reproches. Marie-Noëlle estime ainsi que « regarder le film ne donne pas envie d’exercer ce métier (…). Le film n’est pas représentatif de notre métier et ne le valorise pas. » Il y aussi le commentaire de Chrystel : « Moi non plus, je n’ai pas trop accroché sur le film, même s’il faut le prendre au second degré. »

Les administrateurs et dirigeants de l’association ont conscience que le film peut être diversement interprété. Mais pour eux, le jeu en vaut la chandelle. « Ce qui est décalé dérange toujours un peu, constate Jean-Yves Morice. Le plus important pour nous c’est de se distinguer des sociétés purement commerciales qui sont parfois agressives dans notre secteur. D’où la volonté d’insister sur nos valeurs. »


La nécessité de faire savoir qu’on innove

Après avoir lancé des activités innovantes ces dernières années (garde de nuit itinérante, aide aux aidants, forfaits pour besoins ponctuels), l’Adar cherche donc aujourd’hui à dépoussiérer sa communication. C’est comme si innover ne suffisait plus : désormais il faut aussi faire savoir qu’on innove.

La vice-présidente, Jacqueline Azaïs, en est convaincue : « Si on n’innove pas dans notre secteur, on n’avance pas. La qualité de service est importante mais l’image l’est tout autant. » Un premier film a été réalisé en 2012, ensuite l’Adar a commencé à investir les réseaux sociaux (Facebook et Twitter), elle réalise en ce moment un audit sur son accueil téléphonique… Et c’est maintenant au tour du film de fiction.

Et combien ça coûte de faire du cinéma ? Faut-il avoir un gros budget pour communiquer autrement ? Le film « Cœur à domicile » a coûté 20 000 euros. Il n’y a pas d’espaces publicitaires à acheter car il est diffusé sur internet et à l’occasion d’évènements (assemblée générale, soirée anniversaire des 40 ans, conseils consultatifs des usagers). « On n’a pas tous les jours 40 ans, donc ce n’est pas hors de prix », estime le directeur de l’Adar. « C’est le budget moyen d’un film aujourd’hui, indique Séverine Kuter de Scopic. Ce n’est pas forcément plus cher de faire du cinéma, par contre l’impact est démultiplié. »

Alors pourquoi n’y a-t-il pas plus de courts-métrages de communication dans l’économie sociale et solidaire ? « Tout simplement parce que ce n’est pas souvent proposé, concède Séverine Kuter. Pour les agences, c’est plus simple de vendre des formats classiques… Or il faut prendre un peu de risques parce que c’est un secteur qui a encore plus besoin que les autres de se faire entendre différemment. »

Frédéric Lossent

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