Une Charte vient d’être signée dans l’agglomération d’Angers pour tenter de coordonner la distribution de l’aide alimentaire (photo : A. Penna).
Dans son préambule, la charte pose le décor dans lequel s’est jouée la réorganisation : « l’augmentation de la précarité dans le département a créé une situation de fréquentation importante des points de distribution de colis alimentaires et de restauration sociale engendrant des files d’attente, de la tension et mettant en difficulté les professionnels et les bénévoles des associations ». Voilà pour ce qui est écrit, on reste dans le vague. En revanche à l’oral, Richard Samuel, Préfet du Maine-et-Loire, annonce d’emblée ce qui a provoqué la nécessité de se coordonner : « il s’agissait de ne pas se retrouver dans la même situation que l’an dernier, où l’arrivée d’un nombre important de demandeurs d’asile a déstabilisé le tissu des associations, qui est très riche mais d’organisation inégale.» Selon les chiffres de la préfecture, en 2009 par exemple, et principalement entre août et décembre, 909 demandeurs d’asile ont afflué vers les associations. Elles s’étaient senties débordées, en situation de « crise ». D’où l’idée de formaliser une plate-forme de coordination des acteurs concernés afin d’orienter au mieux les demandeurs d’asiles et de créer une cellule de veille et d’alerte pour réagir en cas de « crise ». Il s’agit aussi d’éviter que se trouvent « écartés » des files d’attente les bénéficiaires « traditionnels » que sont les grands exclus angevins, mais aussi les nouveaux profils de la précarité (retraités, travailleurs pauvres, étudiants…).
Trouver le consensus
Sur le principe de cette charte, les 7 grandes associations du dispositif d’aide alimentaire signataires sont finalement tombées d’accord puisqu’elles l’ont validée. Mais le rassemblement ne s’est pas fait sans réticences. Pour calmer les craintes de perte d’autonomie, la préfecture a dû accepter de revoir sa première copie. Et c’est le Secours populaire qui s’est investi dans la réécriture du texte. « Au départ il était inconcevable pour nous de l’accepter en l’état, on avait le sentiment d’être instrumentalisé. Il fallait trouver un consensus pour que chacun garde son rôle et son identité », confirme Stéphane Lepage, responsable de la fédération 49 du Secours Populaire. D’un protocole où pointaient les notions de règlement et de subordination, on est passé à une charte qui est un texte d’intentions. La nouvelle version veille aussi à ne stigmatiser aucun public en restant volontairement large quand à la description des « situations de précarité ».
Même la grosse structure de distribution alimentaire que sont les Restos du cœur, qui n’a pas signé la charte pour un principe de cohérence avec la ligne nationale, ne remet pas en cause l’intérêt d’une certaine coordination. « C’est une position de notre siège : nous souhaitons garder notre totale autonomie en matière de distribution de l’aide alimentaire. Mais nous participerons aux groupes de travail », explique Jean-Paul Menanteau, président des Restos du cœur 49, qui lancent leur campagne d’hiver.
Effet pervers ?
On ne peut s’empêcher de s’interroger sur les arrière-pensées des autorités. Selon certains militants, quand les autorités mettent leur nez dans l’orientation des bénéficiaires de l’aide alimentaire, elles cherchent avant tout à contrôler le flux des demandeurs d’asile. En partant du postulat que l’aide alimentaire serait mise en avant par les réseaux pour attirer les migrants vers Angers, surveiller sa distribution apparaît comme une stratégie pour les dissuader. Le préfet du Maine-et-Loire Richard Samuel s’en défend : « La charte est d’abord utile pour les associations car ce sont leurs bénévoles qui sont mal à l’aise quand ils sont débordés ». Et à la question des conséquences de l’identification des bénéficiaires, il répond par une autre question : « quand on dit qu’il faut intégrer ces gens par le travail et le logement, vous connaissez une formule pour que ça se fasse de façon anonyme ? ». Il insiste sur le fait que cette charte met autour de la table des personnes qui ont pour but convergent d’aider les gens vulnérables et non se servir d’eux. Le préfet replace d’ailleurs cette formalisation du dispositif d’aide alimentaire dans la continuité de l’évacuation des squats de l’agglomération et du relogement de leurs occupants. Ces opérations s’étaient faites non avec la police mais en coopération avec certaines associations.
Au moins une écoute
Les afflux de nouveaux demandeurs d’asile se sont bel et bien calmés, ce qui facilite la prise en charge. Par exemple, selon la préfecture, 178 migrants étaient arrivés en octobre 2009, 40 seulement en octobre 2010. En cas de reflux, la cellule de veille sera cette fois là pour sonner l’alerte et trouver des solutions collectives au plus vite. Plus vite en tout cas qu’au Printemps dernier, espère le Secours populaire : il avait dû fermer sa permanence car les stocks alimentaires étaient épuisés. « Certes tout n’est pas réglé, mais c’est un premier pas », se réjouit son responsable Stéphane Lepage, qui dit son association soulagée de se savoir au moins écoutée. Et vigilante quant à son rôle « d’aiguillon des politiques publiques ».
Armandine Penna
Les signataires de la charte :
L’Etat, la ville d’Angers, le Conseil Général, l’Union départementale des centres communaux d’action sociale et les associations suivantes : Abri La Providence, Aide Accueil, Banque Alimentaire, Jardin de Cocagne Angevin, Notre Dame de l’accueil, Saint Vincent de Paul, Secours Populaire français.