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La justice appelée à trancher
pour l’hébergement des “déboutés”
Publié le 28/02/2013
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C’est devenu récurrent. Le 7 mars prochain à Nantes, plusieurs familles de déboutés du droit d’asile sont assignées en justice dans le cadre de procédures d’expulsion locative. La préfecture lance ces actions avec les gestionnaires de Cada et Huda, afin d’obliger les déboutés à laisser leur place aux demandeurs d’asile. Pour les militants, l’État doit leur proposer un hébergement alternatif, au nom de l’accueil inconditionnel.



La famille de Daniel*, Kosovar, aurait dû quitter ce logement hôtelier l'été dernier. Une procédure en justice est en cours pour qu'elle quitte les lieux (photo : A. Penna).

Il fait partie de la prochaine série de déboutés du droit d’asile convoqués devant la justice le 7 mars à Nantes. Daniel*, Kosovar, vit avec sa femme et ses trois enfants dans un des nombreux hôtels du quartier de la gare remplis de migrants. Le temps de sa demande d’asile, les deux chambres avec kitchnette étaient payées par la préfecture en tant qu’hébergement d’urgence pour demandeurs d’asile (Huda). Mais suite au rejet de sa demande en mai 2012, la préfecture ne paie plus les factures. L’hôtelier s’impatiente. Daniel craint qu’il finisse par retrouver les serrures changées et ses affaires vidées, comme c’est arrivé à 14 migrants qui vivaient à l’hôtel Richbourg…

« Les radiateurs ne marchent pas, on se chauffe avec un four, mais c’est mieux que la rue », confie Daniel. Il sait qu’il est censé partir pour laisser la place, mais il reste car il ne sait pas où aller. Avec d’autres familles dans la même situation, Daniel (ou du moins son avocat) doit donc passer en audience devant le tribunal d’instance de Nantes le 7 mars prochain. Dans le cadre de procédures d’expulsion locative lancées conjointement par la préfecture et l’association Saint Benoît Labre, gestionnaire du dispositif Huda où était logé Daniel, ainsi que d’un centre d’accueil pour demandeurs d’asile (Cada).

Assignation en justice

Déjà en novembre, lors d’une visite des locaux de la veille sociale, le préfet de région Christian de Lavernée déplorait que les dispositifs mis en place par l’État pour l’accueil des demandeurs d’asiles soient engorgés par les sans-papiers : «  Il n’est pas normal que des demandeurs d’asile se retrouvent sans solution d’hébergement alors que 240 personnes déboutées du droit d’asile sont encore dans des structures. Ma responsabilité est de dire que nous devons statuer sur ces situations. »

Et pour statuer contre ces situations “illégales”, le recours à la justice n’est pas nouveau, à Nantes comme à Rennes. « Quand les famille se barricadent, c’est le seul moyen, explique Pierre Stussi, secrétaire général de la préfecture de Loire-Atlantique, qui reconnaît que ce n’est pas partie facile pour les associations gestionnaires en contact avec les migrants. La préfecture dit d’ailleurs avoir rencontré des gestionnaires de Cada il y a deux mois pour les rappeler à l’ordre et leur demander de lancer conjointement avec elle une nouvelle série de procédures. « Elles ont compris que ce n’est pas dans leur intérêt d’emboliser leurs structures. » Déjà contraintes financièrement, les associations ne peuvent se permettre de prendre à leur charge le loyer des pensionnaires que l’État ne soutient plus.


Les déboutés du droit d'asile s'accrochent aux hébergements qu'ils avaient obtenu dans le cadre de leur demande d'asile, de peur de se retrouver ballotés entre la rue et le 115, tout aussi saturé (photo : A. Penna).

« Nous résistons humainement le plus longtemps possible, notamment quand les personnes ont des problèmes de santé. Mais dans le cadre de la convention que nous avons passée avec l’État, nous devons à un moment faire respecter la loi », confie Pierre Bourdais, le président de l’Anef Ferrer. Son association accueille 34 familles de demandeurs d’asile dans son Hôtel social de Saint-Luce-sur-Loire (44). Pour l’instant, elle n’a pas encore eu à lancer de procédures d’expulsion locative, mais elle sait que ça va arriver. Pierre Bourdais, aussi président de la Veille sociale, sait aussi que les déboutés finissent par atterrir dans un autre dispositif d’hébergement tout aussi engorgé : le 115.

Le dispositif Huda de l’association Saint Benoît Labre, qui accueille quelque 200 familles de migrants dans le dispositif hôteliers, passe lui son temps à mener ce genre d’assignation en justice. « Nos travailleurs sociaux expliquent aux familles qu’elles doivent sortir mais ne les expulsent pas de force. Il s’agit de ramener un contenu légal à une situation qui ne l’est plus », explique Emmanuelle Fieyre, chef de service. Dans la grande majorité des cas, la justice accorderait aux familles la possibilité de rester jusqu’à la fin de l’année scolaire.

Accueil inconditionnel

Même après l’épuisement de ces délais, les associations militantes encouragent les déboutés à ne pas partir. Le préfet de région Christian de Lavernée, qui reconnaît par ailleurs « l’importance du travail humain d’accompagnement » réalisé par les bénévoles, prend des pincettes pour dénoncer « certaines parties de certaines actions de certaines associations qui donnent des conseils aux personnes pour échapper aux procédures.»

« La préfecture nous pousse à l’illégalité en ne respectant pas elle-même la loi, qui l’oblige à héberger toute personne qui en fait la demande », se met en colère Philippe Gallis du Droit au logement (Dal) 44, brandissant l’article L352 du code de l’action sociale sur “ l’inconditionnalité de l’accueil ”. « D’accord, un demandeur d’asile a des droits, un débouté n’a pas les mêmes, mais pour autant, tout le monde doit être hébergé, c’est une question de loi… et d’humanité », complète Annie Richard, de la Ligue des droits de l’homme (LDH).


Les militants dénoncent le recours massifs aux hôtels, solution “flexible”, pour héberger les migrants demandeurs d'asile. Ils demandent l'augmentation des places pérennes en Cada (photo : A. Penna).

Les militants des collectifs Ucij (Unis contre l’immigration jetable) et Un toit pour tous répètent inlassablement qu’il faut « arrêter la gestion calamiteuse à la rotation dans les hôtels », qui coûte très cher (1800 euros en moyenne par mois), et trouver des solutions d’accueil pérennes. Ils dénoncent le fait que la préfecture laisse pourrir les situations, « conduisant les hôteliers à faire le « sale boulot“ de mise à la rue des personnes qu’il loge. »

Sur un point au moins, préfecture et militant sont d’accords : les déboutés, sans papiers, sans autorisation de travailler, sans prestations sociales, tombent dans la rue et la précarité. Le préfet de région leur demande de rentrer cher eux « une fois qu’ils ont tenté leur chance, pour laisser la place à d’autres.» Les militants insistent : « Ils ne rentreront pas, alors aidons les à vivre décemment ! »

Armandine Penna

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