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Déboutés du droit d’asile : « Il va falloir se mobiliser tous les jeudis »
Publié le 07/03/2013
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Une vingtaine de militants du collectif Uni-e-s contre une immigration jetable (Ucij) se sont réunis ce jeudi devant le palais de justice de Nantes. Ils contestent les remises à la rue de sans papiers, alors que sept familles étrangères déboutées du droit d’asile étaient assignées ce même jour devant le tribunal de grande instance.



Jeudi à Nantes, devant le palais de justice. La manifestation du collectif Ucij a réuni une vingtaine de militants du DAL, de la LDH ou encore du collectif Enfants étrangers citoyens solidaires (Photo: D. Prochasson).

Les audiences pour statuer sur des demandes d’expulsion d’un hébergement occupé par des étrangers déboutés du droit d’asile ne sont pas rares. En revanche, les manifestations comme celle de ce jeudi 7 mars, le sont davantage. Réunie devant le palais de justice de Nantes, une vingtaine de militants du collectif Uni-e-s contre une immigration jetable (Ucij) est venue soutenir sept familles assignées pour occupation sans droit ni titre de leur hébergement. « En mai 2012 déjà, il y avait eu une menace d’assigner 40 familles d’un coup. Maintenant, ces assignations sont diluées dans le temps, raconte Annie Richard, militante de la Ligue des droits de l’homme (LDH). Il va donc falloir se mobiliser tous les jeudis. »

Contraire au code de l’action sociale

Ce jour, le collectif a voulu dénoncer l’attitude de la préfecture, qui « refuse d’assurer le financement de l’hébergement » des étrangers déboutés du droit d’asile. Une attitude « en complète contradiction avec ses obligations légales », estiment les militants : « Le code de l’action sociale et des familles dit qu’on ne doit pas remettre à la rue des gens qui ont été hébergés, qu’on ne doit pas mettre à la rue des enfants. Et ce, quel que soit leur statut administratif », argumente Annie Richard.

Devant le juge, cette règle de l’accueil inconditionnel est rarement entendue face au constat d’une occupation sans droit ni titre. Elle permet tout au plus d’obtenir des délais. Et les familles étrangères dont l’hébergement est financé par des budgets spécifiques aux demandeurs d’asile parviennent difficilement à basculer dans l’hébergement de droit commun, complètement saturé. « Au 115, c’est impossible de faire une demande de place si on n’a pas quitté l’hôtel, objecte Annie Richard. Le passage par la case rue est obligatoire. C’est pour ça que les familles refusent de quitter l’hôtel. » 

Renvoi au 4 avril

C’est le cas de Felipe*, Kosovar de 21 ans, et sa famille. Depuis plus d’un an, il occupe une chambre d’hôtel qui n’a pas été payée depuis sept mois par Saint-Benoît Labre, l’association gestionnaire de l’hébergement des demandeurs d’asile. À l’audience ce jeudi 7 mars, Felipe et les siens, comme les six autres familles assignées, ont obtenu le renvoi de leur dossier au 4 avril. « Saint-Benoît Labre n’a pas eu le temps de répondre à nos conclusions, explique l’avocate Stéphanie Rodriguez. Le 4 avril, on aura une date de délibéré. La question est de savoir quels délais on accorde pour trouver une solution d’hébergement. »

Felipe et sa famille devraient donc rester encore quelques semaines dans leur chambre d’hôtel. Non sans que cela pose de problèmes : « Il va falloir rediscuter avec le patron de l’hôtel, explique le jeune homme. Ça me gène mais on n’a pas d’autres solutions que de rester là. »

Pressions, intimidations

Dans pareille situation, certains hôteliers n’hésitent pas à faire pression voire carrément à changer les serrures de la chambre occupée. « Ils savent qu’ils doivent assigner les occupants en justice pour demander l’expulsion, explique l’avocate Stéphanie Rodriguez. Mais ils font pression et menacent d’appeler la police alors qu’ils n’en ont pas le droit. »

Les intimidations auprès des migrants sont ainsi monnaie courante, selon les associations qui préfèrent condamner les conséquences des impayés plutôt que les patrons d’hôtel. « Ils font le sale boulot », reconnaît Annie Richard qui, comme beaucoup de militants, fait souvent l’intermédiaire entre les gérants d’hôtels et les migrants. « On leur demande de lancer des procédures d’impayés contre les associations gestionnaires qui n’assurent plus le financement. »

Les solutions existent

Autant que les expulsions, les militants de l’Ucij dénoncent le coût de l’hébergement en hôtel. « On a l’exemple d’un couple avec trois enfants : 2200 euros par mois. Avec ça, on paye trois loyers », estime Philippe Gallis, militant de Droit au logement 44 (DAL). « On est effaré par le fric dépensé, poursuit Annie Richard qui énumère les conséquences liées à ce type d’hébergement et aux procédures d’expulsion : déploiement des forces de l’ordre, versement de l’aide juridictionnelle qui concerne la quasi-totalité des demandeurs d’asile, engorgement des tribunaux…

D’autres solutions existent. C’est en tout cas ce que défend Philippe Gallis. « En Île-de-France, la préfecture sollicite le parc de logements privés, ce qui permet de désengorger les hôtels. » Pour le militant du DAL, « il faut que les collectivités et l’État travaillent ensemble pour trouver des solutions. Au lieu de ça, ils font quoi ? Ils vident les Cada et les hôtels pour faire de la place aux nouveaux arrivants et ils laissent la situation pourrir. »

David Prochasson

*Nom d’emprunt

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