Dans la Sarthe, l'ATRE dispose d'une boutique et de deux chantiers d'insertion (photo : ATRE).
Début 2012, le Conseil général de la Sarthe a lancé une grande démarche d’appels à projets. Objectif : remettre à plat l’offre d’insertion destinée aux bénéficiaires du RSA pour obtenir plus d’efficacité et plus d’innovation. L’un des axes de la nouvelle stratégie concerne les chantiers d’insertion. Le CG et sa commission Emploi et développement économique sont partis d’un constat : « L’offre d’insertion était de plus en plus décalée par rapport aux besoins des territoires ».
Concrètement, la collectivité locale a maintenu sa ligne budgétaire pour les chantiers (4 millions d’euros) et elles s’engage désormais à financer les structures sur trois ans au lieu d’un an auparavant. Mais il y a des contreparties : les élus ont souhaité « ajuster » le nombre de places dédiées aux allocataires du RSA. Ils ont estimé en effet que des chantiers d’insertion situés en milieu rural avaient un nombre de places trop élevé par rapport aux besoins… Alors que des chantiers urbains manquaient de places.
Un diagnostic pour ajuster l’offre et la demande
Pour opérer des rééquilibrages d’un territoire à l’autre, la collectivité locale s’est basée sur un diagnostic qui recense l’offre et la demande. Et elle a lancé des actions de concertation et d’information sur sa démarche d’appels à projets avec les têtes de réseaux et les différents acteurs de l’insertion par l’activité économique.
Problème : les rééquilibrages ont entrainé des baisses de crédits pour certains chantiers d’insertion ruraux. C’est le cas de l’ATRE à Château-du-Loir, commune de 4 700 habitants. Créée il y a 20 ans, l’Association de travailleurs en recherche d’emploi porte deux chantiers d’insertion : l’un intervient sur les espaces verts, l’autre sur l’entretien de linge et de locaux.
Globalement, l’ATRE n’a pas perdu de places. Elle en a même davantage depuis l’appel à projets : 26 contre 24 auparavant. Mais c’est surtout la nature des places et leur financement qui ont changé.
De nouvelles règles peu favorables aux petits chantiers ruraux
Pour tous les chantiers, le nouveau cahier des charges du Département prévoit 75 % de places pour les allocataires du RSA (financement CG) et 25 % pour les autres publics (financement État). L’ATRE avait trop de places RSA et pas assez de places hors-RSA. Alors, pour entrer dans les nouvelles « cases », l’association a « perdu » des places RSA tout en gagnant des places hors-RSA qui sont moins bien financées. Conséquence : une baisse des financements du Conseil général de 23 000 euros qui n’est pas compensée par les 2 600 euros de hausse des financements de l’État.
Cécile Rousseau, la directrice de l’ATRE, ne conteste pas la nécessité pour les chantiers de se remettre en cause. Mais elle estime aujourd’hui que l’appel à projets départemental ne tient pas assez compte des particularités locales. « Le problème c’est que le diagnostic de territoire qui est à la base de la démarche du Conseil général ne collait pas à la réalité de notre terrain. Et on n’a pas pu émettre d’avis dessus. »
Quelles spécificités aurait dû être signalées ? La directrice du chantier met en avant « des conditions d’exécution plus difficiles » pour les structures rurales. « Pour la formation par exemple, la mobilité est moins facile qu’en ville. Pour la santé, nous avons moins d’interlocuteurs également. Et le point noir, ce sont les travailleurs handicapés. Certains qui sont au RSA vont dans notre chantier parce que l’unique Esat de notre territoire ne peut accueillir tout le monde. » Façon de dire que les financements publics doivent tenir compte de ces particularités. Et que dans le cas présent, il serait justifié d’ouvrir davantage de places pour les allocataires du RSA.
Comment développer les prestations ?
Autre contrainte qui s’impose à l’association : l’obligation d’augmenter les ressources propres en développant les prestations de service. Ce qui implique de vendre plus et mieux. « Aujourd’hui, nous n’avons pas une technique très “agressive“ pour vendre nos prestations, reconnaît Cécile Rousseau. Et nous n’avons pas d’outil de communication spécifique. » Pour changer de braquet et se désinhiber, l’ATRE s’est donc lancée dans un DLA (dispositif local d’accompagnement) sur les techniques de commercialisation. Il doit porter ses fruits avec de nouveaux outils dès le mois de juin.
C’est la seconde fois que l’ATRE bénéficie d’un DLA. La première, c’était en 2011 pour revoir le projet associatif. Et ce n’était pas le fruit du hasard. « Plus ça va, relève Cécile Rousseau, plus il faut aller vers l’économique. Et plus il faut aller vers des personnes plus proches de l’emploi. En 2011, la question était de savoir si on était encore dans notre projet associatif… Chez nous, le DLA a permis de resserrer tout le monde pour répondre à l’appel à projets. »
Des règles… qu’on peut toujours contourner ?
Le petit chantier a du gérer une autre conséquence de l’appel à projets : le risque de disparition de son atelier de vie sociale, une boutique qui vend des vêtements d’occasion. Initialement, le CG n’avait pas prévu de renouveler sa subvention de 16 000 euros qui couvrait le salaire d’une encadrante à ½ temps. Cette activité ne faisait pas partie des priorités à financer. Mais après une pétition et quelques réunions de négociations, le Département s’est résolu à maintenir son soutien.
« Il a fallu batailler pour démontrer que notre boutique avait une véritable utilité pour les bénéficiaires les plus en difficulté sur notre commune », glisse Cécile Rousseau. En fait, la subvention perdure par le biais d’une pirouette : elle émane de la commission Solidarité du CG et non plus de la commission Emploi et développement économique. Comme quoi, malgré les règles strictes des appels à projets, il y a toujours des solutions pour corriger le tir en cas de besoin.
Frédéric Lossent