Cette encadrante technique de l'APIE à Saint-Nazaire fait partie des derniers stagiaires de la formation "Réussir un chantier" de Chantier école (photo : Archives LCS).
« Il s’agit de mettre en œuvre une démarche pédagogique pour transformer une situation de production en situation apprenante », explique Chantier école dans son jargon professionnel. « Le salarié ne doit pas seulement se dire “je prends ma tondeuse et hop“ mais il s’agit de l’aider à décrypter et analyser comment tondre », résume de façon plus vivante Yari Traoré, l’une des stagiaires qui vient justement d’achever la formation-action pédagogique de Chantier école. On avait déjà rencontrée cette encadrante technique sur son chantier d’insertion espaces verts de l’association APIE (association professionnelle d'insertion par l'activité économique) à Saint-Nazaire, elle nous avait confié sa motivation à progresser pour mieux faire progresser ses équipes. La formation de CHANTIER école l’a aidée à formaliser cette démarche. Elle en est ressortie avec toute une boîte à outils pédagogiques tout aussi utile que les sécateurs ou les râteaux.
« La formation m’a fait changer dans ma manière de m’y prendre avec les salariés. Avant, j’étais toujours à bosser une machine à la main, à présent je prends du recul pour mieux les accompagner », explique un autre stagiaire, avant de présenter la fiche où il a listé les gestes techniques et comportements enseignés à partir de la taille d’une haie.
Prise en main d’outils pédagogiques
C’est bien le but de « Réussir un chantier école », formation développée depuis plusieurs année par Chantier école, et depuis 2009 dans les Pays de la Loire. Les stagiaires se « forment à former » pendant 10 jours répartis sur quelques mois. Ils reviennent sur leur chantiers ou ateliers d’insertion avec en main des « livrets de suivi des référentiels métiers (50) et compétences transverses », des guides d’apprentissage, des fiches d’expérience professionnelle. Autant d’outils à adapter à leur support de production et qu’ils peuvent désormais aller chercher dans une banque de données pédagogiques en ligne sur le site du réseau. Dans la région, une centaine d’encadrants techniques, mais aussi conseillers d’insertion professionnelle (CIP) des structures adhérentes au réseau ont déjà fait le pas… et même certains directeurs.
Implication des directions
En effet, « pour que ça marche, il faut que les directions soient partantes », lance Sylvie Camus, la directrice de l’APIE et donc de l’encadrante technique Yari Traoré. Elle a commencé par s’inscrire elle-même avec son employée, avant d’inviter tous ses salariés permanents « à y aller » à leur tour : « Cela doit nous aider à trouver le juste équilibre entre les exigences de productions et cet apprentissage qu’on doit aux salariés qu’on accompagne. » « Oui, et pour faire aboutir cette démarche, à nous donc d’aménager le temps de travail de nos salariés », ajoute Corinne Praud, la directrice de l’ASC, structure d’insertion elle aussi nazairienne.
Stéphanie Remacle, formatrice relais de Chantier école Pays de la Loire, reconnaît que le problème des directions n’est pas de dégager du temps à leurs salariés pour les regroupements de la formation, mais qu’elles leur en laissent ensuite pour appliquer ce qu’ils ont appris : « C’est un investissement, qui fait gagner du temps derrière, en terme d’organisation et de professionnalisation. »
L’association ESNOV de Challans (85) en est persuadée, elle a poussé loin la démarche : 5 personnes ont suivi la formation, des fiches sur la « brouette » ou encore la « bèche » ont été réalisées avec les salariés qui par la même occasion ont travaillé les savoirs de base. Caroline Thomas, la directrice et nouvelle présidente de Chantier école Pays de la Loire, clame à ses homologues que « la formation pédagogique doit être un vrai projet politique de l’association, à intégrer dans les statuts de l’association et auquel il faut associer les salariés en parcours.»
Diplômes en vue
Alors pourquoi ne pas se lancer dans cette « montée en compétences », d’autant plus qu’elle est dans l’air politique et que les financements doivent suivre ? Comme l’explique Philippe Louveau, responsable formation national du réseau : « Dans la réforme de l’IAE , l’un des axes du conventionnement est justement la formation des salariés. »
De plus, l’ensemble des salariés des ACI ont désormais une convention collective, ils sont reconnus comme une branche professionnelle : la seule dont l’objet est l’insertion. Cela devrait permettre la mise en place de certificats de qualification professionnelle (CQP) pour les salariés en parcours comme ceux en insertion. Chantier école, en avance d’une pédagogie, compte bien y participer, tout comme il participe déjà à la formation destinée aux encadrants de l’IAE mis en place par le CG 49 et à la formation ETAIE mise en place par l’inter réseaux.
Armandine Penna